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5 février 2011 6 05 /02 /février /2011 19:43

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DEBAT REVOLUTIONNAIRE

http://www.npa-debatrevolutionnaire.org/

Le vendredi du départ », la vague révolutionnaire s’étend, la vague de l’espoir pour tous les opprimés

Depuis une dizaine de jours, des centaines de milliers de manifestants égyptiens exigent le départ du dictateur Moubarak. Ils ont fixé à aujourd'hui vendredi 4 février la "journée du départ" et appellent à manifester. Dans un discours prononcé mardi, passant outre à des pressions internationales de plus en plus fortes, Moubarak a assuré qu'il ne se représenteraient pas à la prochaine élection, en septembre, mais qu'il resterait à son poste jusque là afin d'assurer l'ordre... Passant des paroles à l'acte, il a lancé sur le peuple ses chiens de garde, de soi-disant "manifestants pro-Moubarak", qui ont essayé dans la nuit de mercredi à jeudi, puis toute la journée de jeudi, de déloger les manifestants qui occupent la place Tarhir à coup de bâtons, de fusil et de cocktails molotov, faisant trois morts et une quinzaine de blessés, tandis que l'armée, qui avait annoncé sa neutralité, laissait faire les agresseurs. En ce matin de "vendredi du départ", définitivement lâché par les États-unis qui discutent de son "départ immédiat", on apprend que Moubarak aurait avoué à la presse qu'il "aimerait bien partir, mais qu'il craint le chaos"... Le chaos qu’il a lui-même provoqué pour essayer d’obliger l’armée à intervenir et à réprimer directement les manifestants. A l’heure où nous écrivons, personne ne peut dire avec certitude si ce pari criminel et fou sera ou non la dernière perfidie du dictateur mais il est sûr qu’il ne pourra empêcher la vague populaire de déferler.

 

Les manifestations contre Moubarak s'inscrivent dans la vague de révolutions partie, début janvier, d'Algérie et de Tunisie. En Tunisie, sous la pression de centaines de milliers de travailleurs jeunes en révolte, le dictateur Ben Ali, en place depuis une trentaine d'année, a du céder la place. C'est maintenant au tour de Moubarak. Au prix de centaines de morts, de milliers de blessés, les manifestants affrontent ceux qui incarnent ces dictatures, exigent la démocratie, mais aussi la fin de situations sociales dramatiques. Et après s'être étendu à l'Égypte, le mouvement touche maintenant la Jordanie, la Syrie, le Yémen...

 

Les dirigeants des grands pays de la planète, "amis" de tous ces dictateurs il y a encore quelques jours, finissent par les lâcher, et il est réjouissant de voir à quel point leur tête reflète la frousse que leur procure l’éveil des peuples...

 

Il est bien évident que l'hypocrisie avec laquelle tout ce beau monde affirme maintenant, la main sur le cœur, être du côté du peuple, ne peut cacher le fait que tous s'agitent dans l'ombre afin que le départ des dirigeants les plus haïs ne ruine pas l'essentiel : le maintien des États, et à travers eux, des conditions qui assurent aux multinationales de pouvoir continuer à pressurer les travailleurs de ces pays.

 

Mais pour cela, ils se heurtent aux exigences de démocratie, de liberté, de justice sociale des travailleurs et de jeunes qui ne pourront se contenter de voir les dictatures qu'ils ont chassées au prix de leur sang remplacées par des gouvernements qui n'auront de démocratique que le nom et dont la première des préoccupations sera le retour de l'ordre propice à l'exploitation de la jeune classe ouvrière du monde arabe par les multinationales des pays impérialistes.

 

La révolution, fruit de la mondialisation impérialiste

 

Car ce n'est pas seulement le ras-le-bol de ces trente ans de chape de plomb, de répression politique et de censure qui pousse les populations du monde arabe sur le terrain de la révolution. C'est aussi parce que la situation sociale y est devenue insupportable, malgré les discours de ceux qui voient dans ces pays des exemples de développement. 

 

Ainsi, Strauss Khan félicitait il y a peu Ben Ali pour le développement économique harmonieux de la Tunisie, qui reste d'ailleurs, selon le sommet de Davos, "dans le peloton de tête de la compétitivité mondiale"... L'Égypte, avec des salaires 4 fois inférieurs à ceux de la Turquie, est inondée de capitaux étrangers en quête de main d'œuvre bon marché. La masse de ces capitaux -dont la France est le second pays d'origine après les USA- a été multipliée par 10 en 10 ans. L'Égypte, avec 7 % de croissance, y a gagné d'accéder au grade de "pays émergent"...

 

Mais, écrit un journaliste des Échos, "il s'agit là d'arbres qui cachent la forêt d'un sous-développement criant. Le SMIC, revalorisé par les autorités à l'équivalent de 50 euros juste avant les législatives de l'automne dernier après une génération entière de stagnation, permet de s'acheter 5 kg de viande par mois en tout et pour tout. Un tiers des adultes sont illettrés. Environ 40 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Une famille égyptienne sur cinq vit dans des taudis, sans eau ni électricité, et la majorité des familles nombreuses (4,5 enfants par femme en moyenne) vit dans des appartements minuscules où on se relaie pour dormir. Le chômage est endémique, notamment chez ces moins de 30 ans qui constituent presque les deux tiers de la population. Nombre de jeunes gens diplômés d'universités réputées, survivent grâce à des petits boulots dans le secteur informel. Les coupures d'électricité sont fréquentes, l'adduction d'eau aléatoire, les transports publics sous-dimensionnés et les services de santé en piteux état. Bref, la majorité des Égyptiens n'a pas récolté les fruits de la croissance, même s'il faut reconnaître que la plupart ont accès aujourd'hui à des services (téléphone portable, petite automobile, télévision satellite, équipements agricoles pour les paysans) inaccessibles il y a seulement dix ans. "

 

La Tunisie, l'Égypte, comme bien d'autres pays de cette région du monde, ont constitué et constituent toujours des destinations de prédilection pour les "investisseurs" étrangers. L'existence d'une multitude de paysans pauvres, vivant dans les pires conditions, a fourni aux entreprises qui se sont installées sur place un réservoir de main d'œuvre d'autant moins exigeante sur les salaires que le pouvoir interdisait toute forme de contestation sociale. C'est de cette vague de prolétarisation des pays pauvres que l'oligarchie financière a tiré ses énormes profits, condition de la financiarisation de l'économie mondiale.

 

Mais tandis que des richesses colossales s'accumulaient dans les poches d'une minorité, la mondialisation capitaliste, cette guerre de classe menée par les multinationales et les banques contre les travailleurs du monde entier, à commencer par les plus pauvres, mettait aussi en place les conditions de l'explosion sociale actuelle : chômage, pauvreté, injustices insupportables, tout cela associé à la haine contre des gouvernements corrompus aux pouvoirs sans limite, interdisant la moindre contestation sociale et se payant sur la bête pour ce service rendu aux exploiteurs.

 

Mais aussi une classe ouvrière nombreuse, jeune, celle-là même qui constitue les rangs des révolutions en cours. Avec la mondialisation, des millions de jeunes paysans ont abandonné leurs villages, leur vie misérable de paysans pauvres, pour grossir, dans les banlieues des grandes villes, les rangs des soutiers du capitalisme, découvrant une autre forme de misère, l'exploitation, le chômage, mais aussi la solidarité, une culture moderne, et la conscience d'appartenir à une classe sociale. Comme l'écrivaient Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste : "... la bourgeoisie n'a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort; elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires." ! 

 

Contre la dictature de l’oligarchie financière et de ses serviteurs, l’exigence démocratique

 

Cette irruption brutale des peuples d'Afrique du Nord et du Proche Orient sur le terrain politique met en évidence la crise qui frappe la domination des classes dominantes et leurs États. Au sommet de Davos qui s'est tenu le week-end dernier, aux inquiétudes venant d'une situation économique et financière toujours en berne s'ajoutaient celles que suscite dans les sommets de la bourgeoisie la situation politique internationale, avec ce constat de certains intervenants : « la leçon de la Tunisie et de l'Égypte, c'est que la pression sur les gouvernements pour servir leurs peuples va devenir toujours plus forte ». « La croissance ne suffit pas. La répartition des revenus compte aussi. Et les messages émis par l'opinion publique doivent être écoutés par le pouvoir »...

 

Belle conclusion ! Mais le capitalisme mondialisé est d'autant moins compatible avec la démocratie que la crise exacerbe la concurrence, rendant ridicules les discours de ceux qui prétendent imposer une impossible régulation, ou encore, dernière lubie de Sarkozy, vouloir taxer les transactions sur les changes monétaires...

 

Le rêve d'un monde capitaliste régi par une coopération harmonieuse entre les puissances ne peut que laisser place à la brutale réalité des rapports de force internationaux. Obama ne se prive pas de l'affirmer : les États-unis préserveront leur contrôle sur l'ordre mondial. Contrôle économique et financier, grâce au dollar et à une politique monétaire au service des multinationales américaines. Contrôle politique, grâce à une immense force militaire, déployée sur tous les continents, assurant la sécurité des multinationales et des réseaux de communication et de commerce. Et soutenant, sous la protection des canonnières, des "démocraties" aussi crédibles que celles des gouvernements fantoches d'Irak ou d'Afghanistan.

 

Et cela pour le bien de tous, ajoute Obama sans que cela soit réellement contesté. Les vieilles démocraties, en particulier européennes, affaiblies par la crise, n'ont pas d'autre choix que d'accepter cette nouvelle "pax americana", de s'y associer dans le cadre des multiples institutions internationales contrôlées par les États-unis, FMI, OTAN... Les gouvernements européens payent le prix fort de la crise et n'ont jamais été aussi disqualifiées aux yeux des populations. L'Union européenne des banques et des multinationales, malmenée par la crise de la dette, semble n'avoir pas d'autre alternative qu'entre le repli sur des États nationaux depuis longtemps obsolètes, et l'évolution des institutions européennes vers la mise en place d'un gouvernement européen dominé par l'Allemagne et la France. L'Europe des banquiers aurait besoin de nouveaux pouvoirs, plus adaptés à ses propres intérêts, à défaut, bien au contraire, d'être plus démocratiques pour les peuples.

 

Pour faire face à la crise politique qui les frappe, les classes dominantes n'ont pas d'autre solution que de s'aligner derrière les discours d'Obama, de confier leur sort à la protection de l'État américain... au moment où, conséquence de la mondialisation, ce dernier se heurte à de nombreuses difficultés pour maintenir son hégémonie. L'économie américaine reste enlisée dans la crise, dans un monde déstabilisé par la montée en puissance de la Chine. Le discours politique des dirigeants US, leur prétention, en particulier, à faire passer leurs interventions militaires pour un soutien à la "démocratie", a perdu toute crédibilité. La chute de dictatures comme celle de Moubarak traduisent l'usure de leurs principaux appuis politiques...

 

Le régime de Moubarak constitue, selon les mots de la presse, une "pièce essentielle dans le jeu diplomatique des USA au Proche-Orient", et l'armée égyptienne est, à cette fin, largement financée par les États-unis. C'est d'ailleurs au Caire qu'Obama, dès son élection, avait choisi de faire son premier discours à l'étranger, prêchant longuement la coexistence pacifique entre religions pour mieux soutenir la politique américaine au Proche Orient. Depuis le début du mouvement des travailleurs égyptiens, les interventions d'Obama étaient restées "extrêmement prudentes"... Le temps, certainement, de voir venir, et que la diplomatie américaine fasse son travail et prépare la relève au dictateur sans que soient remis en cause les intérêts des États-unis.

 

Cela semble chose faite puisque dans une intervention prononcée mardi soir, Obama n'a pas hésité à pousser Moubarak vers la sortie : "Ce qui est clair et ce que j'ai indiqué [au téléphone] au président Moubarak, c'est que la transition politique doit être profonde, qu'elle doit être pacifique et qu'elle doit commencer maintenant". Et il a affirmé au peuple égyptien : "les États-unis continueront à tendre une main partenaire et amicale à l'Égypte. Et nous sommes prêts à fournir toute l'aide qui est nécessaire pour aider le peuple égyptien en gérer les conséquences de ces manifestations"...

 

Après la révolution tunisienne, la chute de Moubarak donne finalement au président américain une occasion de tenter de redonner un peu de crédibilité à son discours sur la démocratie... Il a d'ailleurs dessiné les contours de ce qui devrait se passer en Égypte : "Le processus doit inclure un large éventail de voix et de partis de l'opposition égyptienne. Elle devrait conduire à des élections qui soient libres et équitables, et devrait se traduire par un gouvernement qui n'est pas seulement fondée sur des principes démocratiques, mais aussi qui sache répondre aux aspirations du peuple égyptien".

 

Bel aveu, que, pour les dirigeants impérialistes, les "principes démocratiques" ne soient pas sensés, en tant que tels, savoir "répondre aux aspirations" des peuples...

 

« Une nouvelle ère » 

 

Partie prenante de ce "large éventail de voix et de partis de l'opposition égyptienne", Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix, ancien chef de l'Agence internationale pour l'énergie atomique, a exhorté, dès mardi, les foules en colère à la patience, exigé le départ de Moubarak et annoncé le début d'une "nouvelle ère"...

 

Mais on voit mal comment ce "large éventail" pourrait offrir la moindre perspective de satisfaction aux exigences de démocratie véritable, de liberté, qui mobilise les travailleurs et les jeunes de toute une partie d'Afrique du Nord et du Proche orient. Ces exigences sont indissociables de la question sociale et ne peuvent être satisfaites que si les travailleurs s'émancipent des rapports sociaux qui les assujettissent à leurs exploiteurs et aux pouvoirs politiques qui les servent.

 

Car les dictatures de Moubarak, de Ben Ali et de leurs congénères ne sont pas des accidents de l'histoire. Elles ont servi les nécessités d'une période au cours de laquelle les multinationales ont prospéré sur la base de l'exploitation d'une main d'œuvre d'autant plus docile et bon marché qu'elle était dépourvue de tout droit démocratique. Leur chute ne change pas les exigences des multinationales pour qui la nécessité de disposer d'une main d'œuvre taillable et corvéable à merci s’accentue encore du fait que la crise perdure et exacerbe la concurrence. Dans ces conditions, il n'y a aucune chance que la revendication d'un véritable gouvernement démocratique portée par les manifestants tunisiens et égyptiens aboutisse.

 

Il est significatif que, Moubarak contesté et lâché par ses soutiens, ce soit l'armée, ce pilier central du pouvoir d'État, et donc du dictateur, qui se présente maintenant comme garante de la démocratie, avec l'appui des États-unis qui la finance... La hiérarchie militaire, confrontée au risque que la répression sanglante ne conduise une partie des troupes à refuser de tirer et à rejoindre les manifestants, prend les devants, quadrille les villes avec les tanks et l'aviation, au nom de la protection de la révolution... ce qui ne l'empêche pas, au nom de sa neutralité, de laisser les sbires de Moubarak tirer sur la foule désarmée. Pas difficile d'imaginer quelle "démocratie" un gouvernement né sous de tels auspices, même avec l'assentiment de la population, pourrait faire régner !

 

Si "nouvelle ère" il y a, ce n'est donc certainement pas dans le sens où l'entend El Baradei, mais bien dans cette irruption des travailleurs et des jeunes "sur le terrain où se règlent leurs propres destinées", selon le mot de Trotsky.

 

Personne ne peut bien évidemment dire comment va évoluer la situation dans ces pays, bien des compromis instables sont possibles. Mais les raisons profondes qui sont à l'origine de la vague révolutionnaire d'Afrique du Nord et du Proche-Orient ne disparaîtront ni devant les manœuvres "d'oppositions" qui cherchent à assurer la continuité de l'État avec la complicité active des puissances impérialistes, ni devant la répression. Elles poussent la vague révolutionnaire à mener l'affrontement avec le pouvoir jusqu'au bout, en imposant son propre pouvoir démocratique, celui de la population organisée autour de la défense de ses propres intérêts.

 

Une telle issue prendra du temps, elle passe par la conquête de droits démocratiques élémentaires, la liberté de s’organiser tant sur le plan syndical que politique, la liberté de presse, la liberté de réunion. Quels qu’en soient les rythmes, cette conquête de la démocratie jusqu’au bout, la possibilité pour les classes exploitées de contrôler la marche de la société, sera le contenu de cette ère nouvelle que vient d’ouvrir le soulèvement des peuples du monde arabe. Elle a une dimension internationale non seulement pour les classes dirigeantes qui voudraient la dompter, voire la briser, mais aussi pour les travailleurs et les opprimés du monde entier.

 

Elle nous encourage, nous, travailleurs européens, à poursuivre la lutte contre des gouvernements qui prétendent nous faire payer la crise, conséquence de la rapacité sans limite de ces mêmes multinationales qui imposent à la jeune classe ouvrière des pays arabes la misère et le mépris. Nos ennemis sont les mêmes et lutter contre notre impérialisme, pour nos propres intérêts de classe, contester le pouvoir de ceux qui, en Europe, représentent les intérêts des banquiers et des grands patrons sont le meilleur soutien que nous puissions lui apporter.

 

Oui, la nouvelle ère qui s’ouvre sera bien celle de la révolution en permanence, pour la conquête de la démocratie, pour renverser l’oligarchie financière qui domine le monde.

 

Daniel Minvielle

 

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