Le projet de loi de la ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin, consacre le désengagement de l’État dans le logement social.
Il y a, en France, au moins 9,3 millions de personnes sans logement, mal logées ou en grand risque de le devenir, soit 15 % de la population. Face à ce
véritable désastre social, qui ne fait que s’aggraver, toutes les mesures prises ou envisagées par le gouvernement vont dans le sens d’un désengagement de l’État.
Alors que les milliards coulent à flots pour « sauver les banques », la part du budget consacrée au logement va baisser de 7 % en 2009. Le
gouvernement prétend que cette baisse sera compensée par 800 millions d’euros provenant du 1 % logement1. Sauf que Christine Boutin déshabille Paul pour habiller Jacques, ces 800
millions devant servir à construire du logement pour les salariés ou les aider à se loger. La baisse du budget logement est continuelle. Il est passé, entre 2000 et 2007, de 1,36 % à
1,11 % du PIB.
Le Livret A, une manne de 130 milliards d’euros, va servir en partie à financer les PME, pour supplanter les banques qui ne veulent plus le faire. Or,
jusqu’à présent, le Livret A était géré par des organismes d’État, essentiellement La Poste et la Caisse d’épargne, et servait à financer la construction de logements sociaux par le biais de la
Caisse des dépôts et consignations. Désormais, les livrets pourront être gérés par des banques privées et l’argent récolté ne servira plus, ou très peu, à financer la construction de logements
sociaux. Il ira se placer sur des marchés plus rentables.
Désengagement de l’État
Entre 1950 et 1970, les conditions de logement se sont réellement améliorées. À cette époque, les banques ne prenaient en charge que 21,7 % des crédits
au logement et l’État 59,7 %. L’État finançait directement le logement en réalisant des constructions (jusqu’à 500 000 logements par an) et, indirectement, il assurait le financement de
prêts. Surtout, l’État administrait et aménageait l’ensemble du territoire national (développement des réseaux de transport, aide au développement local, plan quinquennal, schémas directeurs,
etc.). L’État influençait ainsi de façon déterminante le marché de l’immobilier et dessinait les villes et les territoires, tout en logeant massivement les plus démunis.
À partir des années 1970, l’État s’est désengagé et a laissé le marché privé construire, réguler et gérer. Le résultat ne s’est pas fait attendre :
trouver un logement correct à un prix « normal », puis se loger tout court est devenu impossible, le logement devenant le premier poste de dépense des ménages, avant celui de
l’alimentation.
Propriétaires et endettés à vie
Il faut empêcher que les banques et les financiers s’emparent du Livret A. Il faut contraindre l’État à reprendre le contrôle des moyens de financement du
logement et de sa politique. Il faut renationaliser les offices HLM et développer le domaine foncier public au maximum, en le rendant prioritaire pour le rachat de tout terrain vendu. Ainsi,
l’État pourrait peser sur le marché immobilier à long terme et lutter contre la spéculation.
Au lieu de cela, le gouvernement prône l’accession à la propriété, comme unique solution à la crise du logement. Si devenir propriétaire de son logement
peut être un choix individuel, cela ne peut en aucun cas constituer une politique publique du logement. L’accès massif à la propriété est illusoire aujourd’hui. Le gouvernement suit en cela la
même politique que celle des États-Unis, qui a conduit, avec la crise des subprimes, à jeter à la rue des milliers de gens, incapables de rembourser leurs emprunts. Pour mettre en place
l’accession à la propriété, le gouvernement veut favoriser le crédit et augmenter la durée des emprunts (jusqu’à 50 années !), créant un endettement à vie et favorisant la précarité des
ménages.
Christine Boutin veut assouplir la loi SRU, qui oblige les communes de plus de 3 500 habitants à avoir 20 % de logements sociaux, en
comptabilisant parmi ceux-ci les logements produits aux fins d’accession à la propriété. Elle veut vendre 40 000 logements HLM par an, retirant ainsi du secteur autant de logements sociaux,
déjà en nombre insuffisant. Même si l’argent récolté doit financer de nouveaux logements sociaux, ceux-ci sont toujours de loyers plus élevés que ceux qui ont été vendus. Les offices HLM ne
manquent pourtant pas de liquidités pour construire. Ces organismes ont accumulé, dans leur trésorerie, 11 milliards d’euros. Cette belle cagnotte pourrait servir à construire de nouveaux
logements sociaux.
Le logement doit être, comme l’Éducation, un droit garanti. Ainsi, en échange d’un loyer représentant au maximum 20 % du revenu, chaque foyer devrait
pouvoir disposer d’un logement de bonne taille et confortable. En favorisant l’accès à la propriété et la construction par le privé, l’État accentue les inégalités, car les promoteurs
construisent et les propriétaires s’installent dans les quartiers où ils sont sûrs que leurs logements prendront de la valeur. C’est ainsi que les zones déjà très isolées, mal desservies,
sous-équipées, notamment en services publics, sont délaissées.
Pour un service public du logement
Plutôt que de favoriser les expulsions et de réduire l’accès au logement en diminuant les plafonds permettant d’accéder à un logement social, il faut au
contraire construire massivement des logements accessibles à tous, et d’abord aux plus démunis. Ce n’est pas en renforçant le filtrage à l’entrée du logement social que l’on résoudra la crise. Si
les familles ayant un revenu convenable restent dans un logement social, c’est que les loyers du privé sont à ce point élevés que se tourner vers ce secteur les mettrait instantanément en
difficulté. Car la crise concerne avant tout le « logement abordable ». L’État doit fournir les moyens nécessaires à la construction de logements accessibles à tous et permettre
l’application de la loi sur le droit au logement opposable (Dolo).
De plus en plus de gens sont hébergés en logement d’urgence, dans une chambre en résidence sociale, une chambre en hôtel ou en foyer, ce qui engloutit des
sommes d’argent faramineuses. En décentralisant les moyens de la politique du logement et diminuant les aides directes et subventions, l’État ne fait pas que maintenir les déséquilibres, il les
aggrave. Pour que cela change vraiment, un service public du logement devrait favoriser une meilleure répartition démographique sur l’ensemble du territoire, afin d’éviter la trop forte
concentration urbaine autour des grandes villes, particulièrement en Île-de-France. Cela passe par le développement local (régions, départements, communes), maintenant et développant les services
publics sur l’ensemble du territoire.
Il faut empêcher les expulsions, stopper les démolitions, récupérer les logements vides et obtenir la transformation d’immeubles de bureaux en logements.
Nous devons continuer de lutter partout, au travers des associations, des collectifs. Ces combats sont parfois victorieux. Mais, un vrai changement, une politique donnant à chacun les moyens
d’être bien logé, ne viendra jamais de ce gouvernement, qui a fait le choix de casser le service public, dans ce domaine comme dans les autres. ■
1. La participation des employeurs au logement est de 0,45 % de la masse salariale.
Diminuer le nombre de demandeurs de logements sociaux
Sous prétexte de justice sociale et pour faire oublier quelques scandales, Sarkozy a annoncé la baisse des plafonds de ressources ouvrant droit au logement
social et la hausse du surloyer, pour les locataires dont les revenus dépassent ces plafonds. Bref, le gros mensonge est de faire croire que, si vous attendez depuis trois ans un HLM, c’est parce
qu’il est occupé par des riches…
En fait, 4,5 millions de logements sociaux logent environ 10 millions de personnes, dont 66 % ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de
ressources. Seulement
5 % des ménages (140 000) logés en HLM payent un surloyer et, pour la majorité d’entre eux, leurs revenus dépassent de très peu le plafond. Un ménage
avec deux enfants vivant en région autre que l’Île-de-France et gagnant aux alentours de trois Smic ne pourra plus prétendre à un logement HLM. On compte 1 million de demandes de logements
sociaux en souffrance (330 000 pour la seule Île-de-France). Une façon de diminuer le nombre de demandeurs.
Le droit au maintien dans les lieux est remis en cause. Les locataires en HLM dont les revenus seraient deux fois supérieurs aux plafonds (qu’on va diminuer
de 10 %) auraient trois ans pour quitter leur habitation.
Quant aux locataires en sous-occupation, s’ils refusent trois propositions de relogement, ils devront eux aussi partir (vers des maisons de
retraite ?).
Il est également prévu de réduire à un an, au lieu de trois, le délai pendant lequel le juge de l’exécution peut suspendre une décision d’expulsion. Les
locataires auront moins de possibilité de redresser leur situation, ce qui conduira à accroître la file d’attente des ménages prioritaires au relogement dans les commissions de médiation créées
par la loi relative au droit au logement opposable. ■
Détruire pour spéculer
Démolir les logements sociaux n’apparaît pas vraiment comme une solution au manque de logements. Pourtant, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine
(Anru), pierre angulaire de toutes les politiques de la ville et du logement depuis plusieurs années, prévoit la démolition de 300 000 logements pour 2013 – logements quasiment tous en bon état
et pour certains récemment réhabilités, confortables, grands, pas chers, et bien situés (centres-villes, transports, services).
Chaque projet Anru de rénovation s’accompagne de démolitions. C’est même la condition pour obtenir le financement de l’État. Les décisions de démolir
sont prises sans concertation avec les habitants (quand on leur demande leur avis, la plupart veulent rester). Sur 100 logements détruits, seulement 70 sont en moyenne reconstruits et
les logements neufs, plus beaux et plus chers, sont rarement destinés aux anciens habitants. On déplace les gens, loin des centres, des transports et des services, parfois dans des quartiers
encore plus dégradés et voués à la démolition à plus ou moins long terme.
C’est un gaspillage humain et financier phénoménal. La destruction, puis la reconstruction, coûtent 190 000 euros par logement et la réhabilitation 26 000
euros, selon le rapport 2007 de l’Observatoire des zones sensibles. Ces démolitions font le lit d’opérations spéculatives qui offrent au privé des terrains convoités, proches de Paris ou dans les
centres-villes. ■
Hausse des loyers
L’Indice de référence des loyers (IRL) du second trimestre 2007 augmente de 2,76 %, soit près du double de l’inflation (1,5 % en glissement
annuel).
Mais cet indice ne s’applique pas aux augmentations lors des renouvellements de baux et des relocations. En prenant cela en compte, les loyers ont augmenté
de 3,7 % en 2006.
La hausse des loyers HLM a été de 2,04 % en 2007. Entre 2004 et 2007, les loyers HLM ont augmenté de 8,49 % (pour une inflation de 5,4 %).
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Guy Montag et Isabelle Guichard