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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 18:48

Tête au Carhaix pour l'Etat

Marie-Laure Guillou n’appartient à aucun syndicat ou mouvement politique. Pourtant, elle a été le maillon essentiel d’une première manche victorieuse pour les défenseurs de l’hôpital de Carhaix, dont le gouvernement souhaitait la fermeture de la maternité et du service de chirurgie. Jeune cadre hospitalier, Marie-Laure Guillou a jeté toutes ses forces dans la bataille. Mettant de côté les risques professionnels que cela pouvait provoquer, elle a lutté jusqu’à l’abandon du projet gouvernemental.


Comment as-tu vécu cette lutte ?

Marie-Laure Guillou – Je me suis investie dans le Comité de défense et de développement, un peu par hasard… Je souhaitais être présente, faire partie du conseil d’administration (CA) et me tenir informée de l’évolution de la situation, mais je ne souhaitais pas faire partie du bureau ou avoir une place clé. Le soir du vote du bureau, je me suis désignée volontaire, malgré mes craintes : un engagement demande un investissement important, ce que je ne pensais pas pouvoir offrir au comité, de par ma position de cadre de santé et mes contraintes familiales. Le bureau composé, les réunions ont commencé, le CA comprenant 90 personnes de tous horizons, sociaux et politiques. Cette diversité, au lieu de déstabiliser et de nuire aux décisions, a contribué à notre réussite. Je suis née à Carhaix, j’ai choisi de vivre à Carhaix ! J’avais la certitude que ce qui se passait était injuste. Je déteste l’injustice, alors je me suis lancée dans ce qui allait devenir une grande aventure. Mener un combat était nouveau pour moi. J’ai appris à côtoyer un nombre important de personnes, différentes mais complémentaires, et ce bel ensemble était d’une richesse que jamais je ne pensais trouver au sein du pays. L’union née de ce combat reste pour moi le plus beau symbole de cette réussite. Chacun avait son rôle au sein du comité (groupe action, comité de projet, élus et population). Les compétences et les spécificités individuelles ont permis ces manifestations incroyables, cette organisation toujours bien calculée. Alors que le temps passait, je pensais que la mobilisation allait s’essouffler, mais non, au contraire, de plus en plus de personnes rejoignaient le mouvement !


Selon toi, quels ont été les moments déterminants ?

M.-L. Guillou – J’ai essayé de trouver un moment fort dans ce long et difficile combat. Je pense tout de même que les faits qui m’ont le plus marquée sont synonymes de colère pour l’un et de joie pour l’autre. Le premier est, bien sûr, l’expulsion musclée des locaux de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), le 24 avril. Premier contact avec M. Perrin [directeur de l’ARH, NDLR] et les forces de l’ordre : début de notre long combat engendré par la violence que nous avons subie. Le deuxième événement le plus fort est l’annonce, par le président du tribunal administratif, de l’annulation de la suspension des activités de chirurgie et de la maternité. Moment de joie et de bonheur indescriptible et inattendu… Mais ce que je retiens de cette lutte, de ce combat contre cette injustice, est l’histoire humaine qui est née entre le comité, les élus, les soignants, la population et les usagers. Plus nous avancions, plus la population était présente. La réactivité et le nombre impressionnant de Centre-Bretons à nos rassemblements, souvent annoncés à la dernière minute, étaient exemplaires. C’est cette mobilisation qui m’a encouragée à poursuivre les actions au sein du comité, les moments de doute s’effaçant devant cette foule dense et motivée ! Notre union et notre attachement à notre centre hospitalier, à notre territoire, nous ont portés vers la victoire. C’est tous ensemble que nous avons gagné, grâce à notre résistance. Mille mercis à toutes les personnes qui nous ont soutenus, par leur présence, leurs dons et leurs lettres d’encouragements.


La première réunion avec M. Perrin s’est terminée à coups de matraques. Comment as-tu vécu ce moment ?

M.-L. Guillou – Très mal. En tant que soignante, j’ai rencontré des situations de violence parfois difficiles, mais j’ai appris à gérer ces situations de crise par l’écoute et la parole. Être traités comme des hors-la-loi m’a fait un choc. Aucune sommation, une porte qui vole en éclats, une collègue blessée : je ne comprenais pas ce qui se passait, je me suis demandé ce que nous avions fait de mal, j’avais l’impression d’être une criminelle qui, deux minutes plus tôt, passait l’aspirateur dans les locaux que nous avions occupés. Que l’on m’explique notre violence ! Après échange avec les forces de l’ordre, il s’est avéré que M. Perrin leur avait demandé d’intervenir, parce que nous le retenions en otage ! Quelle insulte ! Nous lui avions même proposé de rentrer ! Il nous avait alors répondu qu’il était chez lui et qu’il restait. Il s’est fait livrer des DVD et une couette. Prêt à passer la nuit ? Quel bel acteur ! Bilan de cette journée : deux blessés, d’autres manifestantes matraquées. Le retour en car a été long et pénible, à l’image du combat qui nous attendait ! Ce jour-là, j’ai compris que le mouvement allait se durcir, que j’allais partager cette colère avec la population, et que cette injustice ne serait pas sans conséquences. Mais j’étais loin d’imaginer la force de la rue et le nombre de manifestations qui allait en découler.


Aujourd’hui, la lutte de la rue a laissé la place à une lutte administrative. Comment vois-tu l’avenir ?

M.-L. Guillou – La lutte de la rue s’est simplement mise en « mode veille ». Aujourd’hui, le gros du travail revient au groupe projet. Nous savons que nous devons être bétons. Nos tutelles nous scrutent à la loupe et nous attendent peut-être au tournant. Nous devons être constructifs et professionnels, c’est la finalité de la lutte, ce pourquoi nous nous battions. Le résultat du tribunal administratif nous conforte dans notre projet, nous a redonné confiance en nous. Je trouve que nous sommes plus forts. L’hôpital de demain va ressembler à sa population : fort et combatif, ouvert à la communication. « Naître, vivre et se soigner au pays » n’est pas une utopie, c’est une réalité. Le pays est attaché à son hôpital, son territoire. Je suis certaine d’une chose : au moindre dérapage, au moindre signe de nos tutelles, la rue sera là, présente et déterminée. Ce combat n’est pas terminé. Le Comité de défense et de développement continue de se réunir, afin de communiquer les changements et les évolutions aux usagers. Cette « résistance », que nous avons su déployer rapidement et efficacement, sera longue à déconstruire ! Comme on dit chez nous : « Croire que l’on va se laisser faire, c’est mal nous connaître ! » ■

Propos recueillis par Matthieu Guillemot

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