Après plus de trois mois de lutte intensive et de grève, les travailleurs de Ternium-Sidor, usine sidérurgique de Ciudad Guyana (État de Bolivar, sud-est du
pays), viennent d’obtenir d’Hugo Chavez la garantie de la renationalisation de leur entreprise.
Il aura donc fallu trois mois aux ouvriers de Ternium-Sidor pour faire entendre raison au gouvernement vénézuélien. Trois mois de grève acharnée. Trois mois
de lutte avec, comme point culminant, la répression par la Garde nationale, le 14 mars dernier. Mais, mercredi 8 avril, le président Hugo Chavez est enfin intervenu, et il a accepté de
renationaliser la plus importante usine sidérurgique du pays, privatisée en 1997 par son prédécesseur, Caldera.
Au cœur du débat, la dénonciation par les ouvriers et l’Union naitonale des travailleurs (UNT) de la transgression, par Sidor, des lois vénézuéliennes sur
le travail. Piétinant la convention collective, la direction de Ternium-Sidor, entreprise détenue par le consortium italo-argentin Techint (60 %), l’État (20 %) et les ouvriers
(20 %), maintenait les 15 000 ouvriers (9 000 précaires) dans une précarité salariale absolue, depuis quinze mois. Non seulement la direction refusait d’appliquer les améliorations
salariales votées légalement en assemblée générale par les ouvriers, mais elle prétendait imposer des réductions d’effectifs, des réductions salariales, une précarisation des contrats de travail,
ainsi qu’une révision à la baisse des retraites versées aux anciens employés.
Pire encore, alors que la détention de 20 % du capital permettait aux ouvriers de désigner un des coprésidents, la direction refusait catégoriquement
de reconnaître la validité de ce vote. Jusqu’alors protégée par le ministre du Travail, José Ramon Rivero, la direction de l’entreprise pensait pouvoir compter sur le fait qu’elle bénéficiait de
capitaux étrangers pour continuer à bafouer la loi vénézuélienne. Rivero n’a jamais cherché à négocier. Au contraire, il a préféré imposer une épreuve de force aux ouvriers, comme il l’avait
précédemment fait en août 2007 face aux camarades de l’UNT du secteur public. Mais il a été désavoué de manière cinglante par Chavez.
Le 4 avril dernier, le syndicat UNT organisait un référendum, posant deux questions aux ouvriers de l’usine : « oui » ou « non » à la
proposition patronale ; « oui » ou « non » à la poursuite de la grève et aux négociations. Après trois mois de lutte, les ouvriers ont répondu négativement à la première
question par 3 338 votes contre 65, et positivement à la deuxième par 3 195 contre 97.
Lundi 7 avril, las de la résistance ouvrière, le gouvernement a décidé, par la voix de son vice-président, Ramón Carrizales, de convoquer de nouvelles
négociations. Négociations auxquelles, cette fois, le ministre José Ramon Rivero n’était pas convié. Sous la pression constante de 600 travailleurs veillant en permanence sur l’usine, il aura
fallu moins de 48 heures pour sortir de la crise.
À cette étape, les ouvriers ont obtenu l’arrêt de tous les plans de la direction et la titularisation de milliers de travailleurs précaires. La
renationalisation constitue un cadre juridique et politique qui, sur la base de l’intervention et du contrôle des travailleurs, peut permettre une amélioration des conditions de travail et une
augmentation des salaires. Plus tard dans la soirée, le même Ramon Carrizales assurait, lors d’une conférence de presse, que la nationalisation de Ternium-Sidor n’affecterait en rien les
relations avec le gouvernement de Nestor Kirchner, malgré la forte participation argentine dans le capital de l’entreprise.
Cette grève de Sidor, la mobilisation des travailleurs et la prise de position de Chavez constituent un tournant dans la conjoncture vénézuélienne. Autant
de points d’appui pour relancer la mobilisation populaire et approfondir le processus en cours.
De Caracas, Fernando Esteban