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15 mai 2008 4 15 /05 /mai /2008 09:09

Avant qu’il ne soit trop tard

Professeur Dominique Belpomme.

 

 
 
Dominique Belpomme, éminent professeur de cancérologie, a été président de la Commission de santé publique qui a initié le plan Cancer, si cher à Chirac : il dresse un bilan sans concession de son échec. Son dernier livre est un exposé (compréhensible, pour l’essentiel, par qui n’a pas de culture scientifique) de la démarche rigoureuse qui l’a conduit à cette conclusion : il y a 280 000 nouveaux malades et 150 000 morts chaque année en France. Même si les conditions de prise en charge se sont améliorées et que l’on atteint 45 % de guérisons, on ne pourra guère faire mieux, car la recherche marque le pas.

Acceptant de dépasser les vérités officielles, il a tiré toutes les conséquences des faits. Par exemple, chaque année, en Europe il y a 1 % de cancers d’enfants de plus. Or, les moins de 3 ans ne boivent pas, ne fument pas et ont une alimentation relativement équilibrée ! Il en arrive à la conclusion que 75 % des cancers sont liés à l’environnement, mais il se heurte au refus des autorités de prendre les mesures de protection environnementale qui s’imposent. Il s’engage alors dans une activité de mobilisation de l’opinion publique et multiplie les publications, les conférences et les appels à changer rapidement de cap, comme le fameux « Appel de Paris ».

La réflexion de cet esprit aussi rigoureux que curieux s’étend aux aspects les plus variés de la rupture qui se prépare, ce qui l’amène à évoquer la nécessité d’une nouvelle révolution de 1789, tout en exprimant sa crainte de la violence qui risque de l’accompagner. Dans le même temps, il élabore un « programme de salut public en faveur de la santé durable ». Son espoir de le voir repris par les responsables politiques « dans l’union nationale » risque d’être déçu, car on y trouve, entre autres mesures, un moratoire pour l’implantation d’incinérateurs, le renforcement des procédures de contrôle des molécules chimiques, et l’interdiction des OGM alimentaires…

Pierre Vandevoorde

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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 18:47

Le syndicat des pauvres types

- Monsieur tout-le-monde.

Antoine Blin travaille à La Poste, dans un centre de tri. Sa vie ressemble à des millions d’autres, avec son lot de joies, de peines et de déceptions sentimentales. Jusqu’au jour où un étrange démarcheur sonne à sa porte et lui propose d’adhérer à une surprenante association : le Syndicat des pauvres types. « Ploucs, péquenots, pauvres types, pedzouilles. Tous les mots auront été bons pour éclairer les facettes d’un unique dénigrement, dirigé par les élites contre les perdants de ce monde. » Car cette organisation ambitionne de redonner leurs lettres de noblesse aux gens du peuple. Mais, au même moment, une chaîne de télé propose à Blin de participer à un nouveau jeu : l’élection de « Monsieur tout-le-monde ». À gagner : six mois d’immortalité au Panthéon. Le parcours de Blin dessine une satire mordante du règne de la télé réalité et de la tyrannie de la moyenne et des sondages. Car, derrière son titre provocateur, ce roman est une charge contre le culte du succès immédiat. Ce que l’on appelle aujourd’hui le « bling-bling » (Éric Faye, Le Syndicat des pauvres types, Gallimard, « Folio », ).

 

Malo Trémarec


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4 mai 2008 7 04 /05 /mai /2008 15:57

Dans les forges

Dans Atelier 62, Martine Sonnet croise histoire familiale et histoire ouvrière. Elle est historienne de formation, mais elle écrit un véritable et très beau roman, à partir d’une photo de son père. Décédé en 1987, ancien forgeron en Normandie, devenu au début des années 1950, à 40 ans, ouvrier aux forges de Renault-Billancourt, il est le personnage principal de ce livre.

De la démarche historique, Martine Sonnet conserve le goût des archives, la volonté de travailler à partir des traces, celles des objets laissés par son père, celle des archives de la régie Renault, celles de sa propre mémoire et de ses souvenirs d’enfant. Sa démarche est intime tout en restant pudique : à travers l’histoire de son père, elle rend hommage à toute une génération, à celle qui a travaillé dans la forteresse ouvrière de Billancourt, alors même que les pouvoirs publics, à la fermeture de l’usine en 1992, ont voulu définitivement tourner la page de décennies de travail et de combats ouvriers.

Elle raconte l’installation progressive de sa famille, de la Normandie vers la banlieue parisienne, le père seul tout d’abord, puis la mère et les enfants. La vie dans un appartement, dans un grand ensemble, remplace la maison et les champs. Elle évoque tout en pudeur, sans misérabilisme, la fatigue, les accidents et la maladie de ceux qui travaillaient dans la chaleur des forges, qui étaient considérés comme les ouvriers les plus qualifiés, avec une image de dignité et de noblesse. Martine Sonnet s’interroge enfin subtilement, par petites touches, sur son propre destin, qui l’a conduite, à rebours de ses frères et sœurs, vers le monde de l’université, a priori très éloigné de celui de la forge (Martine Sonnet, Atelier 62, Le Temps qu’il fait. ).  

Sylvain Pattieu


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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 08:32

 

Aimé Césaire est mort, le jeudi 17 avril, à 94 ans. Homme politique martiniquais, père de la négritude », Césaire était aussi un immense poète.

 

 

Le XXe siècle risque bien de rester dans l’histoire comme le plus monstrueusement inhumain de tous les temps, et c’est certainement l’un de ceux où la poésie a tenu le moins de place. Pourtant – ô dialectique ! –, il a été un grand siècle de poésie. Ce n’est pas ici le lieu de jouer au palmarès mais, pour la langue française seulement, il est impossible de se limiter à une pléiade. Du moins, ne peut-on guère contester que le surréalisme, avec ses entours, y domine, d’Apollinaire et Saint-John Perse à Prévert et Queneau, en passant par Desnos, Péret et, naturellement, André Breton.

À cette galaxie appartient Césaire ! Quoique n’ayant pas appartenu au mouvement, ne fut-il pas reconnu par Breton dès qu’il le découvrit aux Antilles, et comme le plus grand ? Mais unique, au-delà de cette reconnaissance de son lyrisme révolutionnaire, et cela à plusieurs titres.

D’abord, parce que, s’il est de langue française, il est, en tout premier lieu, poète des Antilles et poète noir. En cela, il dépasse déjà la poésie française par le choix d’un maniement de cette langue, qui va ouvrir le champ de la grande littérature antillaise. Certes si, par définition, toute poésie est intraduisible, son écho exige au moins une langue de grande communication. Et Césaire a compris l’erreur de ses amis antillais qui, par anticolonialisme, choisissaient le créole pour chanter leur vie et ses luttes. Césaire a compris qu’à ceux qui leur avaient tout pris, ce n’était que justice de prendre leur langue pour les combattre, en la portant plus haut, en un français antillais, plus riche que celui de la métropole coloniale, et plus généreux par son contenu de fraternité humaine.

Plus haut encore, il a élevé cette poésie en fécondant la littérature de ce qu’il a appelé lui-même la négritude. Et l’intraduisible de la poésie, par la sienne, est devenue traduisible dans tout le monde noir. Le secret de sa merveilleuse musique poétique, c’est son contenu révolutionnaire ! Elle est toute de dénonciation : de toute colonisation, de tout racisme, de toute oppression des peuples.

Et cette poésie n’est pas seulement dans ses poèmes, mais dans tout ce qu’il a écrit : poésie tragique de ses œuvres dramatiques qui couvrent tout le champ des révoltes et des révolutions, de celle d’Haïti, pas encore sorti des convulsions de la liberté noire, à celle du Congo, symbolisant toutes les autres, contre le colonialisme, devenu plus abject quand il se couvre de tartufferie néocoloniale, révoltes et révolutions qui saignent toujours sous nos yeux, de l’Afrique à la Palestine. Sur leurs drapeaux peut – hélas ! –, toujours s’écrire : « Je pousserai d’une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées… les assauts de vocables, tous sabords fumants. »

 

 

Universel

 

Sa poésie s’étend jusqu’en son travail d’historien, rigoureux dans son magnifique Toussaint Louverture, qui devrait faire se cacher de honte tous les chantres de Napoléon. Jusqu’en ses superbes discours mêmes, et ses textes politiques, dits dans sa solitude parlementaire, ayant rompu avec le stalinisme dont il avait bu jusqu’à la lie les mensonges et vécu les trahisons.

On ne voit pas qui aurait le droit de lui reprocher ses paris et ses défis : celui d’accepter que les Antilles deviennent de vrais départements français, vraiment égalitaires ; ceux d’une décolonisation démocratique. S’il n’a gagné les uns qu’à demi, a échoué pour les autres, qui a fait mieux ? Les hommages baveux d’un pouvoir qui est la négation absolue de sa vie, de ses luttes et de ses œuvres, n’enterreront pas sous des funérailles nationales la portée révolutionnaire immortelle de son nom et de sa poésie, et le peuple antillais n’est pas plus dupe des simagrées des embaumeurs professionnels que ne le sont les lutteurs du monde entier. Césaire, d’un vol d’aigle, s’est élevé de degré en degré, de ciels en ciels de la voix humaine, dans son « non ! » à la déshumanisation du monde. Sa mort le situe comme le plus universel de tous les poètes du siècle.

 

 

Michel Lequenne

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11 avril 2008 5 11 /04 /avril /2008 19:07
Notre camarade Michel Lequenne, 
présente son roman : "La révolution de Bilitis".

Résumé :
Après la Grande Guerre atomique épouvantable, une étroite ceinture du monde reste vivable au nord de l’équateur. L’humanité en a-t-elle tiré les leçons ? Non ! Une révolution féministe, surgie d'on ne sait où, avec à sa tête une étrange inconnue, se soulève contre un État mondial où tous les traits les plus négatifs de notre temps se sont développés; cynisme politique, drogues et perversions, exploits d’apprentis sorciers de la science (dont une noire conquête de la Lune). Contre-révolution chaotique, luttes pour le pouvoir jusqu’à une nouvelle Guerre mondiale, mystifications des médias et délires religieux !

Ambitions, passions, folies, comportements mystérieux: les personnages, cachant secrets et doubles jeux, mènent un torrentueux ballet de rivalités et de haines, mais aussi d’amours et d’amitiés, seuls espoirs d’avenir… si fragiles.

L’auteur y a mis toute son expérience politique et d’historien.

Maurice Nadeau, fondateur de La Quinzaine littéraire, lui écrivait: «Je ne te savais pas du genre visionnaire-apocalyptique!» Mais il ajoutait : «Comme satire, ce n’est pas mal non plus», car l’humour (noir) est le leitmotiv de ce cauchemar, jusqu’à la fin surprenante.

Michel Lequenne est l'’auteur de : Le Trotskisme, une histoire sans fard, . Marxisme et esthétique, La Brèche, 1984. Christophe Colomb, Amiral de la mer Océane, Elles, qui regardèrent Colomb, Fédérop, 1997. Christophe Colomb contre ses mythes.

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8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 09:05

Suite à l’émission du 11 mars à 21 h. sur ARTE "Le monde selon Monsanto, de la dioxine aux OGM, une multinationale  qui vous veut du bien" de Marie-Monique Robin, un DVD  

C'est une enquête rigoureuse et  approfondie sur une multinationale, une multinationale productrice de l'agent  orange, de la dioxine, de l'hormone de croissance, du Round Up et des OGM.

 

Les  résultats de l'enquête, menée depuis quatre ans, sont implacables.

 

Nous vous invitons à faire circuler  l'information dans tous vos réseaux, à soutenir ce film et le livre (plus  complet) qui est paru aux Editions de la Découverte depuis le 6 mars.

 

Bien sûr, la réalisation du film et sa  diffusion ne sont pas du goût de Monsanto, qui dispose de nombreux moyens de  pression et n'hésite pas à se débarrasser de ses opposants, d'une manière ou  d'une autre comme l'illustre le film : sa diffusion la plus large possible sera  une première garantie pour la réalisatrice et l'avenir du film.   

 

En attendant, faites circuler l'information !

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29 mars 2008 6 29 /03 /mars /2008 19:02

Livre sur 68 de Bensaid et Krivine

Vient de paraître un petit livre de Daniel Bensaid et

Alain Krivine intitulé « 1968, Fins et suites » Il s’agit

d’un recueil d’articles parus sur 68 avec une introduction

d’actualité de Daniel. Ce livre est en vente militante exclusive.

Les commandes personelles  doivent être faites à la librairie La Brèche

http://www.la-breche.com

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14 mars 2008 5 14 /03 /mars /2008 13:08

Les défis d’une politique « profane »

Philippe Pignarre, éditeur des Empêcheurs de penser en rond, répond à Daniel Bensaïd et à son livre, « Éloge de la politique profane » (Albin Michel, 22 euros).

Illustration manquante

Photothèque Rouge/Franck Houlgatte

Le livre de Daniel Bensaïd est très important. Au moment où la LCR s’engage dans un tournant qui pourrait bien être de nature stratégique, il est l’occasion de réfléchir à la manière dont les héritiers du marxisme appréhendent le monde contemporain et travaillent à le changer. Cet article ne s’attardera pas sur les chapitres qui décrivent et analysent l’évolution du capitalisme et des formes de pouvoir étatiques. Ce sont certainement les meilleurs et les moins contestables. À eux seuls, ils devraient faire l’objet d’une recension, car ils font le point sur les bouleversements du monde que nous voulons changer. Il m’a semblé plus intéressant de faire le point sur « la pointe » de l’ouvrage, sur ce qui peut en être contesté et doit être discuté, en sachant que ce sont les questions les plus difficiles et que, en la matière, nous avançons tous à tâtons. Utilisons donc ce livre pour ouvrir une controverse, même si cela me fait courir le risque d’être parfois injuste.

Il s’agit de relever le pari de savoir comment le mot « profane » peut constituer la bonne occurrence pour faire une politique anticapitaliste efficace. Une politique « profane » nous intéresse, car elle pourrait signifier « absence de transcendance ». En quoi une transcendance a-t-elle pu être une tentation chez les marxistes ? Et laquelle ? Un léger détour peut nous permettre de comprendre. Nous sommes à un moment où l’héritage léniniste repris de la manière efficace d’Ernest Mandel est en crise. Je pense ici à la conception du parti révolutionnaire en tant qu’avant-garde. Voilà ce qu’écrivait Mandel dans une brochure de formation de la LCR, à la fin des années 1970 (« Construire le parti révolutionnaire ») : « La conception léniniste se fonde sur une certaine autonomie de l’analyse scientifique, c’est-à-dire de la théorie marxiste qui, bien qu’elle ait été conditionnée historiquement par le développement de la lutte de classe prolétarienne et ses premiers débouchés vers la révolution prolétarienne, ne peut être considérée comme un produit mécanique de cette lutte de classe, mais doit être envisagée comme le résultat d’une pratique théorique (d’une “production théorique”) qui ne parvient que progressivement à se lier à la lutte de classe. […] La catégorie de parti révolutionnaire trouve son origine dans le fait que le socialisme est une science qui ne peut s’approprier qu’en dernière instance dans sa totalité, non pas de manière collective, mais par le travail individuel. »

 

Anticapitalisme

 

La théorie était claire, nette et sans bavures : le prolétariat « aliéné » a besoin d’une avant-garde qui possède un savoir spécifique auquel la lutte des classes ne suffit pas à donner accès. On est ici en pleine transcendance, même si elle est laïcisée grâce à l’emploi un peu magique du mot « science ». Je ne crois pas que Bensaïd (et plus grand monde dans la direction de la LCR), se reconnaîtrait dans cette formulation de Mandel, et ce livre pourrait représenter un nouvel effort pour en sortir. Mais par quoi remplacer cette formule algébrique, qui était d’une logique théorique impeccable ? Quel contenu donner à « profane » ?

Si la question n’est plus celle d’une « avant-garde », quel nom pourrait bien traduire la nouvelle ambition anticapitaliste ? On pourrait dire, pour faire court, que l’avant-garde sait tout avant tout le monde. Elle « connaît » la carte stratégique de l’ambition anticapitaliste : où on est, où on va, comment on y va (une théorie de la révolution qui va hanter Trotsky). Elle est capable, dès le début, de voir les illusions. De là, à les dénoncer, le chemin est évidemment toujours court. Il y a quelque chose de prophétique dans la vocation d’une avant-garde. Voilà pour la transcendance !

Mais comment, alors, pour être « profane », ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain et renoncer à toute forme d’organisation en parti anticapitaliste ? Nous avions proposé, avec Isabelle Stengers, la notion de « jeteurs de sonde » : certes, on ne connaît pas la totalité de la carte, mais il y a place pour ceux qui peuvent dire « là ça passe, là il y a des courants dangereux, là il y a un risque d’ensablement, etc. » Cela suppose plusieurs choses : d’abord, ne rien oublier, être les héritiers dignes de tous ceux qui, dans le passé, ont mené un combat anticapitaliste, ont perdu ou remporté des victoires. Le nouveau livre de Bensaïd est, de ce point de vue, exemplaire. Par exemple, quand il écrit : « Vous ne voulez plus des classes, ni de leur lutte ? Vous aurez les plèbes et les multitudes anomiques. Vous ne voulez plus des peuples ? Vous aurez les meutes et les tribus. Vous ne voulez plus des partis ? Vous aurez le despotisme de l’opinion. » Le pire, en ce domaine, est de vouloir faire table rase. Il ne faut faire table rase de rien, d’où l’ambiguïté de la notion d’émancipation.

 

Expérimentations

 

Mais une seconde chose est nécessaire : l’expérimentation. Sur ce point précis, le livre de Bensaïd ne rompt pas avec la « transcendance » de l’avant-garde. Le mot « expérimentation » rappelle discrètement celui de « science », mais il a le pouvoir de nous débarrasser de toute théologie. Ici, Daniel Bensaïd hésite quand il écrit, par exemple : « Des lycées autogérés aux communautés affinitaires, en passant par les expériences pédagogiques ou antipsychiatriques, les expériences vérifiant ce diagnostic abondent au cours des années 1970. Il serait également éloquent de confronter l’importance accordée par Guattari aux radios libres ou au crédit alternatif comme modes de singularisation, avec ce qu’il en est advenu dans le cadre de la contre-réforme libérale, pour mesurer les limites d’une expérimentation nécessaire, mais aisément récupérable dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans un projet politique d’ensemble. »

On sait que le capitalisme a une capacité de « récupération » absolument inouïe. Cela fait partie de sa définition. On ne prend donc pas beaucoup de risques à toujours parier sur la récupération, et toutes les expérimentations pourraient être condamnées de la même manière – y compris les premières mutuelles, qui ont été, au xixe siècle, la matrice de la Sécurité sociale, inventant pratiquement le « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». Mais faire ce pari, c’est concrètement barrer la route à tout processus d’apprentissage collectif et se mettre en situation de « donneurs de leçons », d’« avant-garde prophétique »… même si on ne dispose plus de la théorie qui allait si bien avec.

Le rôle d’un parti anticapitaliste n’est pas d’enfermer tous ceux qui expérimentent une résistance au capitalisme dans des dilemmes incontournables (ce que vous faites est « récupérable »). Ce serait les désespérer et se condamner à ne rien apprendre avec eux. Daniel Bensaïd semble parfois l’impression de tirer sur tout ce qui bouge, et il donne ainsi une prime à la dénonciation sur l’expérimentation et l’apprentissage collectif. On n’a pas à juger les expérimentations au nom d’un projet transcendant qu’une minorité détiendrait. Les expérimentations méritent d’être jugées à une seule chose : leurs conséquences. C’est ainsi seulement que nous deviendrons totalement profanes.

Philippe Pignarre

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