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30 juillet 2008 3 30 /07 /juillet /2008 17:18

AUDIOVISUEL PUBLIC

Séisme médiatique

Par le fait du Prince, l’audiovisuel public est plongé dans un imbroglio économique sans précédent. Chronique d’une asphyxie préméditée.

Le 8 janvier, Nicolas Sarkozy a annoncé sa décision de supprimer la publicité sur les chaînes de France Télévisions, surprenant ainsi la quasi-totalité du monde médiatique et sa ministre de la Culture, Christine Albanel. L’effet de surprise passé, il s’avère que l’hyperprésident a probablement pris cette décision sous l’influence conjointe de TF1, présidée par « son ami de 25 ans », Martin Bouygues, et d’Alain Minc, auxquels s’ajoute Frédéric Lefebvre, l’un des porte-parole de l’UMP. Loin d’être un coup de tête, c’est un véritable « piège mortel » pour l’audiovisuel public qui se met en place, une attaque sans précédent depuis la privatisation de TF1, en 1986. Son but, sous couvert de libérer France Télévisions (FTV) du carcan publicitaire et de « débarrasser le service public de la dictature de l’audimat » (discours du 25 juin), est de réduire les chaînes publiques à la portion congrue, en leur ôtant les moyens de vivre tout en transférant la manne publicitaire au privé.

La commission Copé sur « la nouvelle télévision publique » est chargée de réfléchir à la question du financement. Composée de parlementaires et de producteurs audiovisuels, mais d’aucun représentant syndical, salarié du secteur public ou chercheur spécialisé, elle se targue néanmoins de sa représentativité. Sa lettre de mission est déjà tout un programme : « Cette modification du financement de la télévision publique doit s’accompagner de la redéfinition en profondeur de son identité et de sa stratégie. »

Effet pervers

Auditions, rumeurs, démentis, claquage de porte des parlementaires de gauche se succèdent. Les professionnels du secteur se sont mobilisés, notamment le 13 février et le 18 juin, une semaine avant la remise du rapport Copé à Sarkozy. Des manifestations se sont déroulées à Paris, mais aussi en régions, avec les antennes de France 3, de Radio France et de RFO. Le 25 juin, jour de la remise du rapport, les salariés ont déployé, devant leurs entreprises, des banderoles dénonçant « le hold-up sur l’audiovisuel public ».

À l’occasion de la remise du rapport Copé, Sarkozy a annoncé ses décisions : arrêt de la publicité sur les chaînes de FTV à partir de 20 heures dès le 1er janvier 2009 puis arrêt total à partir de janvier 2012, alors que la commission préconisait un arrêt partiel à partir de septembre 2009 (coût total : environ 800 millions d’euros) ; taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie fixe et mobile, ainsi que sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour 378 millions d’euros ; un nouveau prélèvement sur les recettes publicitaires de toutes les chaînes, de l’ordre de 3 %, qui devrait rapporter 80 millions d’euros ; mise en place de l’entreprise unique à FTV ; nomination du président de FTV par l’exécutif, après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et accord d’une majorité qualifiée de parlementaires (lire Rouge n° 2259). Une mesure impopulaire auprès de 71 % des Français, selon un sondage paru dans Le Parisien. C’en est même fini de la préconisation d’une augmentation de la redevance indexée sur l’inflation… même si les couloirs bruissent de l’introduction de cette mesure dans le projet de loi confié à Christine Albanel et prévu pour l’automne.

La redevance audiovisuelle constitue 77 % des ressources de l’audiovisuel public. Créée en 1933 pour les « installations réceptrices de radiodiffusion », étendue en 1949 à la télévision, elle concerne, chaque année, les détenteurs d’un poste de télévision ou de tout dispositif permettant la réception d’émissions de télévision. Taxe parafiscale, puis taxe affectée, versée sur un compte spécifique, dit « compte d’avances », la réforme de 2005 a adossé son recouvrement à la taxe d’habitation. Son taux et sa répartition entre les différentes sociétés bénéficiaires doivent être approuvés par le Parlement, à l’occasion des lois de finance.

Le montant de la redevance est bloqué, depuis 2002, à 116 euros par foyer dans l’Hexagone et à 74 euros outre-mer, contre une augmentation de 36 % entre 1990 et 2002. Le dernier rapport de la Cour des comptes considère que l’absence de réévaluation a fait perdre 10 % à la redevance. La commission des Finances de l’Assemblée nationale estime qu’une simple indexation sur l’inflation l’aurait portée à 128 euros en 2008. Ce n’est pas le seul manque à gagner pour l’audiovisuel public, puisque l’État ne rembourse pas la totalité des exonérations de redevance accordées aux plus démunis, de même que les dégrèvements : 572 millions d’euros en 2006, dont 509 ont fait l’objet d’un remboursement par l’État. Selon la CGT de l’audiovisuel, le cumul des exonérations non remboursées par l’État est estimé entre 2 et 3 milliards d’euros depuis 1982 ! De quoi largement alimenter le budget de France Télévisions… Quant à la publicité, elle fait son apparition en octobre… 1968. Peu à peu, elle a pris place dans le paysage, produisant des effets pervers sur la programmation (course à l’audimat, formats) et sur la notion même de financement public.

Manque à gagner

L’état de fait du panachage des recettes a rendu rapidement difficile l’hypothèse d’un financement entièrement public. La Cour des comptes conclut ainsi son rapport 2008 : « La réforme [de la redevance] n’apporte pas de solution au problème du financement de l’audiovisuel public, dans un contexte rendu difficile par les charges accrues prévues par les contrats d’objectifs et de moyens et l’évolution défavorable des recettes publicitaires des chaînes publiques. » Prenant acte de la volonté présidentielle de janvier, elle ajoutait : « Entre la redevance, le remplacement des ressources publicitaires par le produit de nouvelles taxations et les ressources budgétaires, l’équilibre sera difficile à trouver, a fortiori de manière pérenne. »

Si la publicité sur FTV baisse, c’est également le cas sur l’ensemble des chaînes hertziennes généralistes, dont TF1 et M6, au profit d’une réorientation vers les chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT). Les décisions présidentielles doivent, avant tout, être mises en regard de la situation économique des groupes privés dominant le secteur : Bouygues, Bertelsmann, Vivendi Universal et Bolloré.

Si Sarkozy s’est engagé à remplacer le manque à gagner « à l’euro près », il faut bien constater que le compte n’y est pas : les ressources prévues pour 2009 ont été surestimées pour un volume de 100 à 300 millions d’euros (le groupe a déjà perdu 100 millions d’euros, depuis l’annonce du 1er janvier 2008) ; les 140 millions d’euros annuels de gains de productivité ne peuvent qu’inquiéter les personnels et leurs organisations car, alliés aux réformes de structure nécessaires à la mise en place de l’entreprise unique, ils ont un avant-goût de plan social ; le volume publicitaire, qui restera sur les chaînes, est estimé par défaut à 350 millions, puisque c’est 327 millions d’euros qui partiraient vers TF1 et 127 vers M6 ; et rien n’est pris en compte pour la production de nouveaux programmes amenés à remplacer la publicité (1 h 20 d’antenne à combler dès le 1er janvier 2009, soit 400 millions d’euros à trouver).

Du sur-mesure pour le privé

Les taxes envisagées se heurtent, pour l’une, à l’opposition frontale des groupes concernés, pour l’autre, à la méfiance extrême de la Commission européenne qui ne voit pas d’un bon œil l’idée de taxer un secteur qui tire la croissance. En cas d’application, elles seront bien évidemment répercutées sur les consommateurs qui, s’ils ne paient pas de redevance augmentée, règleront le « prix du public » via les opérateurs privés ! Et que dire d’un service public dépendant financièrement du volume de publicité engrangé par ses concurrents ?

Entre les 450 millions d’euros provenant de la publicité enlevée à FTV, la deuxième coupure publicitaire dans les films, les fictions accordée au privé et la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA, ex- télévision sans frontières) attendue avec impatience par les groupes privés car elle permet, outre le placement de « produits », une augmentation du temps publicitaire, rendant ainsi plus importante la « vente de cerveaux disponibles », c’est le jackpot ! L’opération apparaît finalement sous son vrai et unique visage : celui de l’étranglement du secteur public au seul profit des grandes entreprises capitalistes d’un secteur industriel en proie à une restructuration en profondeur.

Il pourrait suivre une « vente par appartement », véritable spoliation du bien public, comme l’ont été par le passé la privatisation de Télédiffusion de France et la vente de la Société française de production à Bolloré. La restructuration pourrait également entraîner, dans un proche avenir, la remise en cause des acquis sociaux des salariés à travers leur convention collective, maintes fois critiquée par les employeurs publics pour ses « coûts » et ses « lourdeurs ». Sans parler des conséquences pour la création audiovisuelle, la production privée et l’emploi intermittent. Quant au pluralisme, corollaire de la démocratie, on n’ose plus y penser ! Un effet de domino dont on n’a pas fini de voir les conséquences tous les jours… sur les écrans et dans les têtes. ■

Françoise Lamontagne

Notes

• À consulter : le site d’Acrimed (www. acrimed.org) ; l’article de Pierre Rimbert, « TF1 ou la parabole de Frankenstein », Le Monde diplomatique (n° 652, juillet 2008) ; « Le bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle – rapport d’information n° 671 », document d’information de l’Assemblée nationale ; rapport de la Cour des comptes 2008 (www.ccomptes.fr/CC/Publications-RPA.html).

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24 juillet 2008 4 24 /07 /juillet /2008 12:36

Les trusts du pétrole rançonnent les peuples,

les travailleurs et pillent la planète


Après s’être envolé de records en records, doublant en un an, passant de 66 dollars en juin 2007 à 139 en juin 2008, et avoir atteint 147 dollars à la mi-juillet, le prix du baril de pétrole connaît depuis plus   d’une semaine une chute de plus de 20 dollars. Cette chute, marque-t-elle la fin de la longue période de hausse qui de l’automne 2003 au printemps 2008 a vu le prix du baril multiplié par cinq ? Il est bien plus probable qu’il s’agisse d’une nouvelle poussée de fièvre spéculative. Il a suffit de quelques annonces sur les

stocks de pétrole aux Etats-Unis, sur une remontée des cours de la Bourse pour qu’avec l’effet amplificateur de la spéculation, des masses de capitaux se déplacent des cours de pétrole vers ceux de la Bourse, faisant chuter les uns et grimper l’autre. Cette poussée de fièvre entraîne déjà une hausse du dollar face à l’euro avec en conséquence un probable ralentissement de l’activité économique. Mais quelle qu’en soit l’issue, elle est avant tout le signe de l’aggravation de la frénésie spéculative qui s’est emparée de l’économie mondiale, aggravation dont tout laisse à penser qu’elle prépare une récession mondiale. Ces hausses du prix du baril, en se rajoutant à la hausse généralisée des prix et notamment celle des loyers et des denrées alimentaires, ont des conséquences bien concrètes, dramatiques pour toute la population

provoquant un véritable recul des conditions de vie. Nombre de salariés ne peuvent pas plus se passer de la voiture pour aller travailler que de chauffage l’hiver ou de nourriture. Toutes ces hausses de prix posent comme une urgence sociale vitale la question des salaires. Elles touchent aussi d’autres secteurs et déstabilisent toute l’économie, provoquant des mouvements de

colères chez les marins pêcheurs, les agriculteurs, les routiers, etc. à travers toute l’Europe qui ont rencontré une large sympathie dans la population.

Face à cette situation de crise, les mesures annoncées par le gouvernement sont tout autant dérisoires qu’hypocrites quand on sait les rentrées considérables que les taxes sur le prix du carburant et donc sa hausse lui assurent. Les taxes, TVA et TIPP, qui constituent un véritable racket, représentaient 60% du prix du super sans plomb 95 à la pompe en avril 2008 et 49 % du prix du gazole. Elles constituent des impôts indirects qui sont particulièrement injustes car elles sont les mêmes des plus hauts revenus aux plus bas sur lesquelles

elles pèsent beaucoup plus. L’Etat et le gouvernement font mine de s’inquiéter des conséquences de l’envolée du prix du baril mais, en réalité, ils laissent faire, parce qu’ils sont impuissants face aux vrais responsables, tant des hausses des prix qui saignent les milieux populaires, que des conséquences pour l’environnement de l’utilisation des énergies fossiles, à savoir les grandes multinationales pétrolières qui contrôlent toute la production et la distribution du pétrole et qui imposent leur loi à tous.

 

Une hausse scandaleuse, avant tout la conséquence de la folie spéculative

 

La soudaineté et la brutalité des hausses, comme de la baisse récente, du prix du baril, montrent avant tout leur caractère spéculatif. Mais cette spéculation est organiquement liée à la logique même du système fondée sur la propriété privée et le marché. L’envolée des prix du pétrole comme celle des denrées alimentaires, des métaux, de l’immobilier sont avant tout la conséquence d’une économie où la recherche du profit le plus immédiat aboutit à toutes les

spéculations auxquelles se livrent les groupes financiers en tout genre, sans se soucier des conséquences pour les populations, pour l’environnement ni même pour le fonctionnement même du système. C’est cette spéculation sans frein, qui voit de gigantesques masses de capitaux s’investir puis se désinvestir en un clin d’oeil, d’un bout à l’autre de la planète sans autre raison que les profits attendus, qui déstabilise toute l’économie mondiale et l’entraîne dans la catastrophe. C’est ainsi que ces dernières années toute une série de bulles spéculatives se sont succédé, enflant d’une façon démesurée avant d’éclater, ruinant les populations et laissant des régions, des pays, en ruines. Ainsi,

après l’effondrement de la bulle spéculative des nouvelles technologies en 2000, la reprise américaine s’est faite sur une envolée sans précédent des crédits entraînant une nouvelle bulle dans l’immobilier qui a abouti

à son tour à la crise des subprimes de 2007. Face à la crise financière et à la récession que cela a provoqué aux Etats-Unis et qui risquent d’entraîner toute l’économie mondiale, les financiers toujours à l’affût de nouveaux profits juteux à faire, ont dirigé leurs immenses masses de capitaux sur les matières premières alimentaires et maintenant sur le pétrole. Ce sont ces mouvements de capitaux qui sont responsables de la montée vertigineuse des prix du baril de ces derniers mois, comme de ceux des matières premières agricoles, en accentuant de façon artificielle le déséquilibre entre l’offre et la demande. Pour quelques pourcentages de profit en plus, les groupes financiers

spéculent sur des richesses aussi vitales pour la vie de millions de femmes et d’hommes, que les produits agricoles, le pétrole. Car si ces hausses sont une véritable catastrophe pour la grande majorité de la population, si elles

menacent la stabilité de l’économie mondiale, pour les compagnies pétrolières, elles sont un véritable pactole, une rente qu’elles voudraient sans fin... Total continue à afficher des bénéfices énormes, 13,2 milliards d’euros en 2007, 3,25 milliards pour le seul premier trimestre 2008. Les cinq plus grandes

compagnies pétrolières mondiales, Exxon Mobil, Chevron, BP, Shell et Total ont dégagé pour la seule année 2005 un bénéfice de 100 milliards de dollars et distribué, ces trois dernières années, plus de 150 milliards de dollars à leurs actionnaires, sous la forme de dividendes et de rachat d’actions. Mais aussi folle soit-elle, la spéculation n’est pas déconnectée de l’économie réelle. Les spéculateurs en bourse profitent en les aggravant des instabilités générées par la production capitaliste elle-même. La spéculation ne parasite pas l’économie capitaliste, car c’est bien tout le fonctionnement du capitalisme qui a,

par nature, un caractère de plus en plus spéculatif. Pour les multinationales qui ont la main mise sur des pans entiers de l’économie, il ne s’agit pas de

produire pour répondre aux besoins de la société mais pour faire du profit sur des marchés de plus en plus instables car devenus le cadre d’une concurrence mondialisée. C’est la propriété privée capitaliste des moyens de production qui donne à ces multinationales ce pouvoir exorbitant de mettre toute la production de richesses vitales à l’Humanité au service de leurs seuls intérêts. Toute la production est organisée de façon moderne, planifiée à l’échelle de la planète mais sur la base de la propriété privée capitaliste dans le cadre

d’une concurrence exacerbée à l’échelle du monde. Aussi moderne et mondialisée soit-elle, la production est  dirigée par des multinationales qui lui imposent le cadre étroit de leurs seuls intérêts, qui ne connaissent que

la seule logique du marché et ne savent que spéculer sur les profits futurs qu’elles espèrent réaliser. Le développement du caractère spéculatif du capitalisme est la conséquence de l’exacerbation de cette contradiction fondamentale entre une production mondialisée et la propriété privée qui l’enferme dans le cadre de la course au profit et de la concurrence.

La propriété capitaliste sur laquelle repose cette mainmise des multinationales est une entrave à tout réel développement. Elle empêche que la production soit mise au service de l’ensemble de la société tant pour satisfaire les besoins des Hommes que pour sortir de la crise écologique. Ce caractère parasitaire se révèle aujourd’hui dans la profonde crise qui touche l’ensemble de l’économie capitaliste, reflet de son incapacité à répondre aux besoins réels de la société, et qui la fait plonger dans la spirale de la spéculation dont la folie

boursière est l’aboutissement inévitable.

 

Un déséquilibre entre l’offre et la demande, entretenu par les compagnies pétrolières

 

En ce qui concerne la hausse des prix du baril, il ne manque pas d’experts pour nous expliquer que ce serait quasi naturel… Nous arriverions à la fin des réserves de pétrole et cela au moment où sa consommation ne cesse d’augmenter du fait de l’essor des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Même s’il est évident que les réserves de pétrole ne sont pas infinies et que de toute façon l’augmentation de sa consommation pose un problème car elle accentue le réchauffement climatique, la hausse actuelle n’est pas la conséquence d’une pénurie « naturelle ». Un des dirigeants de Total pose le véritable problème en déclarant : « Il n’y a pas de problème de réserves mais un problème de capacités de production qui sous-tend le prix élevé de pétrole ».

En effet, la tendance à la hausse des prix est la conséquence du choix des grandes compagnies pétrolières qui limitent volontairement les capacités de production en refusant de faire les investissements nécessaires pour exploiter de nouveaux gisements, tant que les prix du pétrole n’ont pas atteint des niveaux suffisants pour leur garantir des profits juteux. Les grandes compagnies pétrolières préfèrent augmenter la masse de leurs profits en augmentant le prix du baril plutôt que de procéder aux investissements lourds qui seraient  nécessaire pour faire face à l’augmentation de la demande. C’est leur position de monopole qui leur permet d’imposer leur volonté aux Etats, y compris ceux de l’OPEP. Parce qu’elles ne poursuivent d’autres buts que la recherche du profit, les multinationales du pétrole sont capables, comme elles l’ont fait pendant des années, de pousser à une augmentation complètement

anarchique et irresponsable de la consommation de carburant en développant, entre autre, le transport routier automobile avec toutes les conséquences catastrophiques pour l’environnement. Mais les mêmes, et finalement dans le même but, sont capables comme aujourd’hui d’organiser la pénurie du pétrole pour provoquer une flambée spéculative sur les prix, entraînant une véritable catastrophe sociale pour les populations. Cela n’est en rien contradictoire puisque dans les deux cas, elles poursuivent le même but en en faisant payer le prix aux populations comme à la planète.

 

Pas d’issue à la crise écologique dans le cadre du marché

 

Pour faire accepter ces hausses de prix, certains, jusque dans le gouvernement, avancent hypocritement des arguments écologiques : ce serait l’annonce d’un tournant dans l’utilisation des énergies fossiles, réponse à la crise écologique que plus personne ne peut nier. Ces arguments de circonstances sont repris par certains écologistes défenseurs du capitalisme. Au nom de la nécessité de réduire les émissions de CO2, il faudrait se réjouir de ces hausses qui seraient comme une écotaxe tombée du… marché et qui devrait entraîner une réduction « naturelle » de la consommation des énergies fossiles. Certains écologistes pensent qu’il serait possible de mettre en place une « régulation

écologique » de l’économie capitaliste en intervenant par des écotaxes se voulant dissuasives ou au contraire incitatives, sans remettre en cause l’économie marchande. Outre que cela revient le plus souvent à faire peser sur les plus pauvres le coût de ces mesures, c’est surtout une façon de rendre la population responsable de la crise écologique en dédouanant ceux qui dirigent

réellement l’économie et qui l’ont entraîné vers la catastrophe écologique actuelle. Résoudre la crise écologique ne se fera pas en changeant des comportements individuels mais par une profonde remise en cause du mode même de fonctionnement de l’économie capitaliste, ce qui implique de s’en prendre à ceux qui la dirigent en fonction de leurs unique intérêt, et donc au fondement de ce pouvoir, la propriété capitaliste. Les lois du marché qui ne connaissent que la course aux profits à court terme, la concurrence et donc

l’égoïsme de classe, l’égoïsme des spéculateurs dont la devise sera toujours « après moi, le déluge » sont totalement incompatibles, antinomiques avec une vision écologique qui implique de prendre en compte les rythmes des grands cycles naturels et donc de prévoir, de planifier démocratiquement, de mettre en avant la solidarité à l’échelle du monde, comme la solidarité entre les générations. La crise écologique ne peut pas être résolue par des mécanismes automatiques, régulateurs s’inscrivant dans les lois du marché car, pour la résoudre, il s’agit tout au contraire de rompre avec ces lois aveugles pour

se donner les moyens d’organiser consciemment, démocratiquement, l’ensemble de l’économie mondiale, pour satisfaire les besoins réels de la société en tenant compte des ressources, par définition limitées, de la

planète. Introduire la conscience dans l’économie, rompre avec les lois du marché, implique d’en finir avec la propriété capitaliste qui permet à une minorité de parasites de piller la planète tout en rackettant les populations. Il n’y a pas de sortie possible de la crise écologique si la société reste gouvernée par la folie aveugle des lois du marché, reste dominée par l’égoïsme de classe des parasites de la finance.

 

La question écologique est une question sociale

 

C’est pour cela que la question écologique est pleinement partie intégrante du combat anticapitaliste, parce qu’elle implique une remise en cause de toute la logique économique actuelle. Elle ne peut pas être dissociée de la question sociale, à moins d’en arriver à l’absurdité d’opposer les conditions de vie des

Hommes et le sort de la planète et de l’environnement. La lutte pour la transformation révolutionnaire de la société est une lutte pour créer les conditions qui permettront l’amélioration des conditions de vie de la

population, ce qui implique tout autant l’accès aux biens matériels indispensables pour vivre, que la préservation et l’amélioration de l’environnement même dans lequel nous vivons. Ce double objectif est d’autant plus indissociable, qu’il s’agit pour l’atteindre de s’en prendre aux mêmes responsables, les multinationales qui contrôlent l’économie mondiale et les Etats à leur service. Faute d’inscrire le combat écologique dans une critique de fond de l’économie capitaliste et donc dans la perspective d’une réorganisation complète de la société, certains écologistes ne voient d’issue que dans la décroissance. Il s’agirait de réduire la consommation individuelle et donc la production pour limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement. Outre qu’il est aberrant face au développement des inégalités et à l’appauvrissement absolu d’une partie de la population de prôner la décroissance comme une solution, ceux qui la défendent sont finalement incapables d’imaginer un autre horizon que celui imposé par le mode de production capitaliste avec son productivisme ravageur. Comme si c’était le seul mode d’organisation sociale possible sur la base du niveau de développement technique atteint par l’Humanité. Face à la crise écologique, il ne s’agit pas de produire moins dans l’absolu mais de produire mieux c’està-

dire de produire avec d’autres critères que les critères économiques actuels qui sont ceux d’une économie marchande à savoir la recherche du profit, la recherche de la rentabilité économique la plus immédiate au détriment des salariés, des consommateurs et de l’environnement. Produire mieux, cela implique de réorganiser tout l’appareil productif sur la base de critères nouveaux, choisis consciemment, démocratiquement. Des critères nouveaux qui pourraient donner la priorité à la réduction à l’échelle de l’ensemble de la société des dépenses énergétiques, et donc par exemple à la réduction des transports de marchandises en privilégiant les productions locales, en privilégiant le développement des transports collectifs publics non polluants à la voiture individuelle. Cela pourrait vouloir dire aussi avoir comme critère économique non pas la rentabilité mais l’amélioration des conditions de

travail, ne serait-ce qu’en répartissant le travail entre tous, en en réduisant le temps comme l’intensité…

Toutes ces possibilités et bien d’autres qui n’ont rien d’originales sont impossibles à mettre en place dans un monde dominé par les intérêts de quelques groupes financiers qui implique une rentabilité purement

comptable. Poser la question écologique de façon radicale lui donne son contenu révolutionnaire, anticapitaliste et en fait une question centrale au coeur du nécessaire renversement du capitalisme. Face à la hausse des prix des carburants, l’urgence est de s’en prendre au pouvoir des trusts qui utilisent

leur position de monopole pour spéculer sur le dos des populations comme de l’environnement. C’est dans cette remise en cause du pouvoir des trusts que le combat contre la crise sociale et le combat contre la crise écologique se rejoignent en une lutte commune pour l’expropriation des multinationales et la prise de contrôle démocratique par la population de l’organisation de la production. Car, pour résoudre cette double crise, il faut en finir avec le mode de production capitaliste pour se donner les moyens de mettre en place un

développement maîtrisé reposant sur une production organisée consciemment en fonction des besoins et des ressources, sur la base de décisions prises démocratiquement et en toute connaissance de cause, c’est-à-dire

une économie réellement socialiste.

 

Charles Meno

!

de s’abonner…

 

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22 juillet 2008 2 22 /07 /juillet /2008 22:08

Principaux concernés, les Noirs et les Maghrébins ne sont pas les seuls à être victimes de discriminations. Une politique antidiscriminations, tant dans les objectifs que dans les moyens pour y parvenir, est plus que jamais d’actualité.

 

 

 
 
Il y a toutes sortes de motifs à la discrimination : poids, taille, handicap, orientation sexuelle. Les origines ethniques en sont toutefois un des motifs principaux, dont les Noirs et les Arabes sont massivement victimes. Derrière ces termes, il y a des origines, des cultures, des nationalités, des colorations ou des phénotypes différents, qui peuvent faire varier l’intensité de la discrimination. Les effets en sont difficiles à mesurer, les statistiques dites « ethniques » étant interdites en France au nom de l’universalisme républicain. Elles concernent le travail, les relations avec la police, la carrière, l’accès au logement ou à certains services.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a organisé un test auprès d’agences immobilières. 35 % des candidats témoins obtenaient par téléphone une visite, contre 20 % de ceux d’origine maghrébine et 14  % de ceux d’Afrique subsaharienne. Après la visite, 75 % des candidats témoins obtenaient la location de l’appartement, contre 22 % pour les candidats d’Afrique subsaharienne et 17 % pour les Maghrébins. Encore, ce test ne prend en compte, du fait de la législation, que l’origine et non l’apparence des personnes concernées : un Antillais recalé lors de la visite ne pouvant donc pas être comptabilisé.

 

Minorités visibles

Le terme de « minorités visibles », importé du Canada, est opportun pour désigner les populations soumises à de telles discriminations. Il ne s’agit pas d’un simple euphémisme, pour ne pas dire Noir ou Arabe. Il faut bien noter que la question des discriminations est différente de celle du racisme, même si les deux sont liées. Le racisme est une notion difficile à mesurer, souvent réfutée par les racistes eux-mêmes qui ne l’assument pas. La lutte contre le racisme est un travail de long terme. Mais les discriminations renvoient à des questions plus concrètes, directement politiques. Elles ne touchent pas seulement les immigrés récents, comme cela a pu être le cas pour des populations d’origine européenne : Italiens, Espagnols, Portugais, Belges ou Polonais. Au final, il était plus facile, pour eux ou pour leurs enfants, de se fondre dans la population. Un Noir, d’origine antillaise ou africaine, français ou étranger, depuis une ou cinq générations, garde une apparence qui peut le conduire à subir des discriminations. Un tel constat rend la question des minorités visibles spécifique et irréductible à d’autres formes d’oppression ou de discrimination.

Elle est en partie indépendante de la question de classe. La situation en France ne saurait être comparée aux États-Unis, où la séparation est telle que riches noirs et riches blancs ne vivent pas dans les mêmes quartiers. Mais des bourgeois noirs peuvent être victimes de discriminations, dans leur carrière ou leur vie quotidienne, même de manière plus feutrée. La sprinteuse Eunice Barber fut brutalement contrôlée par la police après une infraction routière. La domination de classe redouble bien sûr les discriminations. Dans L’Établi, Robert Linhart décrit la répartition raciste des postes, en 1968, chez Citroën. Le jeune maoïste, pourtant malhabile, est directement ouvrier spécialisé niveau 2, quand les Noirs restent manœuvres niveau 1 et les Arabes niveau 2 ou 3. Plus récemment, Nicolas Jounin, qui a travaillé comme intérimaire sur des chantiers du bâtiment pour sa thèse, décrit, dans Chantier interdit au public, comment sa couleur de peau (blanche) et sa nationalité (française) auraient fait de lui un candidat idéal au poste de chef. À l’inverse, les manœuvres noirs sont souvent soumis à l’appellation racialisante et uniformisante de « Mamadou ». Un travailleur noir qualifié est moins exposé à ce type de dénomination.

 

Représenter la diversité

Cette imbrication de la question de classe et de la question raciale pose des questions politiques importantes. C’est avec la guerre de 1914-1918 que main-d’œuvre et soldats noirs et maghrébins arrivent de manière massive en métropole. En 1918, alors que la main-d’œuvre manque, les autorités les renvoient, privilégiant l’immigration européenne. Le nombre de Noirs en métropole a néanmoins été multiplié par dix. Dans les années 1950, la guerre d’Algérie entraîne une forte immigration maghrébine pour remplacer les conscrits. Cette immigration se poursuit pendant les années 1960.

En 1961, l’État crée le Bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d’outre-mer (Bumidom). Il s’agit, selon l’historien Pap Ndiaye, de « fournir une main-d’œuvre bon marché à l’économie française et de désamorcer la crise sociale antillaise et réunionnaise » (La Condition noire), en lien avec les administrations publiques et les entreprises privées. De nombreux Antillais deviennent ouvriers ou employés modestes en métropole. Une forte immigration africaine s’organise également, dans les années 1960, pour des emplois surtout dans le privé. Une partie de ces migrations deviennent définitives. Malgré la fermeture des frontières à partir de 1974, l’immigration africaine persiste : de nombreux sans-papiers sont africains.

En France, les classes populaires sont donc aujourd’hui indéniablement colorées, surtout dans les grandes villes. Un sondage, réalisé pour le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), en janvier 2007, montre que la structure socioprofessionnelle de la population noire est plus modeste que celle de la population totale. Il en serait sans doute de même pour les populations d’origine maghrébine. Un parti ne peut prétendre représenter les intérêts des classes populaires sans tenir compte de cette diversité. Aucun parti ne compte parmi ses dirigeants et porte-parole un nombre significatif de membres de minorités visibles. La situation du syndicalisme n’est guère meilleure, sauf aux échelons intermédiaires. La CGT ou le PCF ont longtemps assuré une promotion des classes populaires, y compris d’origine immigrée : Henri Krasucki était d’origine polonaise. Mais le PCF a raté le rendez-vous des minorités noires et maghrébines. Olivier Masclet en décrit les causes dans La Gauche et les cités, en lien avec la montée du FN. Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen ont relevé, dans La Démocratie de l’abstention, les forts votes pour Taubira, en 2002, ou pour la liste « Euro-Palestine », en 2004, dans les cités de Saint-Denis.

Le nouveau parti anticapitaliste devra se saisir à bras-le-corps de ces questions, qui ne sont pas des fronts secondaires. Il ne faut pas avoir peur de discuter de mesures d’affirmative action, mal traduites en France par « discrimination positive », tout en ayant conscience que ces mesures ont surtout servi, aux États-Unis, une bourgeoisie noire. D’où la nécessité de lier question de classe et question raciale, et de proposer des mesures dans le domaine de l’emploi, du logement. Il faut aussi poser la question de dirigeants et de porte-parole, nationaux ou locaux, en mesure de refléter la diversité des classes populaires et des salariés en France. Ne pas s’atteler à ces problèmes laisserait libre cours aux pires replis identitaires ou aux coups médiatiques d’une droite à l’affût. ■

 

 

Sylvain Pattieu

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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 18:48

Tête au Carhaix pour l'Etat

Marie-Laure Guillou n’appartient à aucun syndicat ou mouvement politique. Pourtant, elle a été le maillon essentiel d’une première manche victorieuse pour les défenseurs de l’hôpital de Carhaix, dont le gouvernement souhaitait la fermeture de la maternité et du service de chirurgie. Jeune cadre hospitalier, Marie-Laure Guillou a jeté toutes ses forces dans la bataille. Mettant de côté les risques professionnels que cela pouvait provoquer, elle a lutté jusqu’à l’abandon du projet gouvernemental.


Comment as-tu vécu cette lutte ?

Marie-Laure Guillou – Je me suis investie dans le Comité de défense et de développement, un peu par hasard… Je souhaitais être présente, faire partie du conseil d’administration (CA) et me tenir informée de l’évolution de la situation, mais je ne souhaitais pas faire partie du bureau ou avoir une place clé. Le soir du vote du bureau, je me suis désignée volontaire, malgré mes craintes : un engagement demande un investissement important, ce que je ne pensais pas pouvoir offrir au comité, de par ma position de cadre de santé et mes contraintes familiales. Le bureau composé, les réunions ont commencé, le CA comprenant 90 personnes de tous horizons, sociaux et politiques. Cette diversité, au lieu de déstabiliser et de nuire aux décisions, a contribué à notre réussite. Je suis née à Carhaix, j’ai choisi de vivre à Carhaix ! J’avais la certitude que ce qui se passait était injuste. Je déteste l’injustice, alors je me suis lancée dans ce qui allait devenir une grande aventure. Mener un combat était nouveau pour moi. J’ai appris à côtoyer un nombre important de personnes, différentes mais complémentaires, et ce bel ensemble était d’une richesse que jamais je ne pensais trouver au sein du pays. L’union née de ce combat reste pour moi le plus beau symbole de cette réussite. Chacun avait son rôle au sein du comité (groupe action, comité de projet, élus et population). Les compétences et les spécificités individuelles ont permis ces manifestations incroyables, cette organisation toujours bien calculée. Alors que le temps passait, je pensais que la mobilisation allait s’essouffler, mais non, au contraire, de plus en plus de personnes rejoignaient le mouvement !


Selon toi, quels ont été les moments déterminants ?

M.-L. Guillou – J’ai essayé de trouver un moment fort dans ce long et difficile combat. Je pense tout de même que les faits qui m’ont le plus marquée sont synonymes de colère pour l’un et de joie pour l’autre. Le premier est, bien sûr, l’expulsion musclée des locaux de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), le 24 avril. Premier contact avec M. Perrin [directeur de l’ARH, NDLR] et les forces de l’ordre : début de notre long combat engendré par la violence que nous avons subie. Le deuxième événement le plus fort est l’annonce, par le président du tribunal administratif, de l’annulation de la suspension des activités de chirurgie et de la maternité. Moment de joie et de bonheur indescriptible et inattendu… Mais ce que je retiens de cette lutte, de ce combat contre cette injustice, est l’histoire humaine qui est née entre le comité, les élus, les soignants, la population et les usagers. Plus nous avancions, plus la population était présente. La réactivité et le nombre impressionnant de Centre-Bretons à nos rassemblements, souvent annoncés à la dernière minute, étaient exemplaires. C’est cette mobilisation qui m’a encouragée à poursuivre les actions au sein du comité, les moments de doute s’effaçant devant cette foule dense et motivée ! Notre union et notre attachement à notre centre hospitalier, à notre territoire, nous ont portés vers la victoire. C’est tous ensemble que nous avons gagné, grâce à notre résistance. Mille mercis à toutes les personnes qui nous ont soutenus, par leur présence, leurs dons et leurs lettres d’encouragements.


La première réunion avec M. Perrin s’est terminée à coups de matraques. Comment as-tu vécu ce moment ?

M.-L. Guillou – Très mal. En tant que soignante, j’ai rencontré des situations de violence parfois difficiles, mais j’ai appris à gérer ces situations de crise par l’écoute et la parole. Être traités comme des hors-la-loi m’a fait un choc. Aucune sommation, une porte qui vole en éclats, une collègue blessée : je ne comprenais pas ce qui se passait, je me suis demandé ce que nous avions fait de mal, j’avais l’impression d’être une criminelle qui, deux minutes plus tôt, passait l’aspirateur dans les locaux que nous avions occupés. Que l’on m’explique notre violence ! Après échange avec les forces de l’ordre, il s’est avéré que M. Perrin leur avait demandé d’intervenir, parce que nous le retenions en otage ! Quelle insulte ! Nous lui avions même proposé de rentrer ! Il nous avait alors répondu qu’il était chez lui et qu’il restait. Il s’est fait livrer des DVD et une couette. Prêt à passer la nuit ? Quel bel acteur ! Bilan de cette journée : deux blessés, d’autres manifestantes matraquées. Le retour en car a été long et pénible, à l’image du combat qui nous attendait ! Ce jour-là, j’ai compris que le mouvement allait se durcir, que j’allais partager cette colère avec la population, et que cette injustice ne serait pas sans conséquences. Mais j’étais loin d’imaginer la force de la rue et le nombre de manifestations qui allait en découler.


Aujourd’hui, la lutte de la rue a laissé la place à une lutte administrative. Comment vois-tu l’avenir ?

M.-L. Guillou – La lutte de la rue s’est simplement mise en « mode veille ». Aujourd’hui, le gros du travail revient au groupe projet. Nous savons que nous devons être bétons. Nos tutelles nous scrutent à la loupe et nous attendent peut-être au tournant. Nous devons être constructifs et professionnels, c’est la finalité de la lutte, ce pourquoi nous nous battions. Le résultat du tribunal administratif nous conforte dans notre projet, nous a redonné confiance en nous. Je trouve que nous sommes plus forts. L’hôpital de demain va ressembler à sa population : fort et combatif, ouvert à la communication. « Naître, vivre et se soigner au pays » n’est pas une utopie, c’est une réalité. Le pays est attaché à son hôpital, son territoire. Je suis certaine d’une chose : au moindre dérapage, au moindre signe de nos tutelles, la rue sera là, présente et déterminée. Ce combat n’est pas terminé. Le Comité de défense et de développement continue de se réunir, afin de communiquer les changements et les évolutions aux usagers. Cette « résistance », que nous avons su déployer rapidement et efficacement, sera longue à déconstruire ! Comme on dit chez nous : « Croire que l’on va se laisser faire, c’est mal nous connaître ! » ■

Propos recueillis par Matthieu Guillemot

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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 18:17

PARTI COMMUNISTE

La « ligne Buffet »

En pleine crise, le Parti communiste tiendra son congrès en décembre prochain. La secrétaire nationale, Marie-George Buffet, compte garder la main.

Au PCF, personne ne se bouscule pour devenir secrétaire national ou candidat d’un parti en pleine crise. En revanche, l’enjeu des multiples contributions en vue du prochain congrès est de savoir comment sauver le parti et ses 12 000 élus : est-ce encore possible ou nécessaire ? À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a publié une contribution personnelle de treize pages, qui a au moins le mérite de la clarté sur deux points essentiels : le but et la stratégie du parti.

L’ensemble se résume ainsi : « Le principe : battre la droite et gagner une alternative de changement implique nécessairement un rassemblement de la majorité de notre peuple se traduisant par l’élection d’une majorité de gauche […]. Nous devons dire clairement que notre objectif est une présidence de la République, une majorité, un gouvernement qui impulse une politique de gauche porteuse des grandes réformes transformatrices correspondant à notre temps. » Pour cela, « il faut disputer démocratiquement le pouvoir aux forces qui soutiennent le capital ». Et de proposer « une démocratisation des institutions », une « démocratie participative » et une « véritable démocratie sociale », en « donnant à la notion de lutte de classe son contenu contemporain ».

Ce socle étant établi, la secrétaire du PCF propose d’éviter la voie du renoncement au changement, « que ce soit par la participation à un gouvernement porteur d’une politique de renoncement ou par une attitude de repli contestataire ». Elle propose ainsi d’ouvrir partout des débats à la base. Enfin, elle tranche la question du dépassement du parti, en estimant que c’est le PCF « qui peut devenir le parti de cette ambition », à condition d’être « démocrate, efficace et ouvert », mais « sans structuration de courants organisés ».

Ainsi donc, Marie-George Buffet se lance dans la bagarre avec l’objectif de marginaliser les refondateurs qui, comme elle, souhaitent une majorité dans les institutions mais réclament la création d’une force plus large à la gauche de la gauche pour y arriver. On se souvient que certains en avaient fait, à un moment, la candidate unitaire des « antilibéraux ». En revanche, la secrétaire du PCF tend la main à ceux pour qui le maintien du PCF est essentiel, en tout cas pour le moment, que ce soient les partisans de Robert Hue ou les anciens amis de Georges Marchais, mettant les nostalgiques (Pas-de-Calais, Vénissieux…) dans une situation embarrassante.

En fait, le débat dans le PCF ne porte pas sur le fait d’aller au pouvoir par des majorités électorales et dans le cadre des institutions, mais sur le degré d’autonomie par rapport au PS, sur le rôle du mouvement social, et sur le type d’alliances capables de peser sur le PS. Il est d’ailleurs caractéristique que, dans son texte, Marie-George Buffet ne cite quasiment jamais le PS et la LCR en tant que tels, alors qu’ils sont présents dans toutes les têtes. Un débat à suivre qui nous concerne tous. ■

Alain Krivine

 

 

 

Dérive sans rivages

Le PCF a fait le choix de signer un texte, concernant la présidence française de l’Union européenne, fait de vagues déclarations générales n’engageant à rien, avec le MRC, le PS et le PRG. Pourtant, ces deux derniers partis ont joué un rôle déterminant dans l’adoption, par voie parlementaire, du traité de Lisbonne, frère jumeau du traité constitutionnel que les électrices et électeurs ont massivement rejeté le 29 mai 2005.

Ce choix est d’autant plus contestable et inquiétant que, dans le même temps, le PCF a refusé de signer un appel porté par le Collectif pour une autre Europe, qui s’est constitué ce printemps, avec pour objectif, face à la politique de régression sociale menée par l’Union européenne, « de mettre en avant la primauté des droits, notamment sociaux, pour toutes et tous, face à la concurrence. Il s’agit de nous opposer et de construire des alternatives sociales, écologiques, féministes et démocratiques qui rompent avec les politiques néolibérales actuelles ».

Ce collectif regroupe, entre autres, l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, la CGT-Finances, l’Union syndicale Solidaires, la FSU, la Confédération paysanne, Attac, la Fondation Copernic, les Marches européennes contre le chômage, ainsi que l’ensemble des forces politiques qui a mené la campagne du « non » de gauche contre le traité constitutionnel européen… à l’exception du seul PCF ! Une telle volte-face est difficilement compréhensible, sauf à penser qu’elle présage de possibles alliances contre-nature lors des prochaines élections européennes. ■

Léonce Aguirre

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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 17:56

Touche pas à ma Poste

Ces derniers jours, les analystes libéraux ont pavoisé à l’annonce du possible changement de statut de La Poste. Selon eux, il était temps que le tabou de la privatisation de l’établissement public soit enfin levé. Toutefois, ces experts de mauvais augure ne prennent même pas la peine d’argumenter sur la nécessité d’une telle évolution. Il leur suffit d’asséner que la plupart des autres postes ont déjà été transformées en sociétés anonymes et de conclure leur démonstration en louant la « mue » réussie de France Telecom. Un comble ! Cette attitude, relevant plus de la méthode Coué que de l’analyse économique, n’est pas pour nous surprendre. Un examen plus sérieux des enjeux d’une privatisation donnerait, sans aucun doute, trop de grain à moudre aux défenseurs du service public.

Il y a, tout d’abord, un paradoxe chez les tenants de la privatisation. Afin de rassurer postiers et usagers, ils ne cessent de répéter qu’il n’y a pas matière à s’inquiéter, puisque l’État restera l’actionnaire majoritaire. Mais si l’introduction de capitaux privés était un acte vertueux, créant les conditions de développement d’une entreprise au service des populations, pourquoi faudrait-il s’inquiéter de la perte de contrôle de l’État ?

Au-delà des aspects financiers évidents, la transformation de l’entreprise publique en société anonyme est aussi d’ordre idéologique. Pour les libéraux, son statut actuel représente un frein à l’évolution, qui est malheureusement en marche depuis plusieurs années, à travers la libéralisation du courrier, la marchandisation des activités des bureaux de poste et la création de La Banque postale. Ces évolutions ont déjà des conséquences très concrètes dans notre vie quotidienne.

Ainsi, le nombre de bureaux de poste a fortement décru, plus de 5 000 des 17 000 bureaux ayant été transformés en agences postales communales ou en relais postes chez les commerçants, où seulement quelques opérations primaires sont réalisables. De plus, dans 8 000 autres bureaux, les horaires ont été réduits. Tout autant que les zones rurales, les quartiers populaires sont les victimes de cette évolution. En effet, les réductions d’ouverture dans ces bureaux ont comme conséquence directe une baisse de la qualité de service et d’accueil. Mais dans les pays où la poste est privatisée, la situation est encore beaucoup plus désastreuse. Au Royaume-Uni, par exemple, la poste détient, directement, seulement 3 % des « points de contact » et leur nombre devrait encore diminuer dans les prochaines semaines.

Cette raréfaction de la présence territoriale télescope également l’accessibilité bancaire. Pourtant, avec plus de 1 million d’exclus du système bancaire, cette activité est vitale. Évidemment, une privatisation de l’établissement public, combinée à la banalisation du Livret A, remettrait totalement en cause le rôle joué par La Poste. Ce rôle est d’autant plus important que les parlementaires ont avalisé la fin des missions d’intérêt général des caisses d’épargne de l’Écureuil.

En ce qui concerne le courrier, les conséquences directes peuvent apparaître moins évidentes, il n’en reste pas moins qu’elles seraient bien réelles, avec la facturation des activités aujourd’hui gratuites. Par exemple, en Suède, le courrier est déposé dans des relais, la distribution au domicile est devenue un service payant. La fin de la péréquation tarifaire défavoriserait les habitants des zones les moins rentables, c’est-à-dire que ce serait une nouvelle fois à celles et ceux qui ont le plus besoin de service public de passer à la caisse.

Socialement, les conséquences seraient également dramatiques pour les salariés des entreprises de ce secteur. Déjà, depuis le début du processus de libéralisation du courrier, 300 000 emplois ont été détruits en Europe. Cette période a également connu un énorme développement du temps partiel. Au Pays-Bas, par exemple, ce type d’emploi est la norme, y compris chez l’opérateur historique, TNT. C’est pourtant un opérateur de référence pour les autres dirigeants du secteur et pour les gouvernements !

Aujourd’hui, le président de La Poste tente de rassurer les postiers et leurs syndicats en leur consentant des garanties sociales élevées. Il se moque du monde ! Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler le débat qui a eu lieu en Allemagne. La création d’un salaire minimum à 9,50 euros de l’heure a fait sortir les tenants de la libre concurrence de leurs gonds. Cette pratique serait un frein à l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, l’obligation de payer un salaire minimum ne garantissant pas un taux de rentabilité suffisant !

Socialement, les populations et les salariés ont tout à perdre de la privatisation de La Poste. Dès maintenant, il s’agit de travailler à l’élaboration d’initiatives unificatrices. Lors de la fermeture de bureaux, cette unité a déjà été possible dans un nombre significatif de localités, le plus souvent dans des petites communes. Au vu des enjeux, ce mouvement doit se nationaliser. ■

Bruno Quignard

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15 juillet 2008 2 15 /07 /juillet /2008 08:47

Pour un Niger sans nucléaire

Doctorante en archéologie, Anne Roussel est attachée au Niger depuis son enfance. Elle milite au sein du collectif Areva ne fera pas la loi au Niger1 et au collectif Tchinaghen pour la paix et la solidarité au Nord Niger2.

Quatre ressortissants français, travaillant au Niger pour Areva, ont été enlevés, dimanche 22 juin, par les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), en conflit ouvert avec le régime de Niamey. Les otages ont été libérés sans négociation, avec un message à destination de leur employeur. Riche en uranium, le Niger est aussi l’un des pays les plus pauvres du monde. L’exploitation de l’uranium a des conséquences désastreuses : spoliation des terres agropastorales des populations autochtones, destruction de la faune et de la flore, contamination de l’air, tarissement irréversible de nappes d’eau non renouvelables, contamination radiologique, destruction générale du tissu socio-économique local.

Depuis le déclenchement de la rébellion armée, en 2007, l’état d’exception, décrété dans la région d’Agadez, au nord du Niger, est sans cesse renouvelé. Tous les pouvoirs sont donnés à l’armée. Exécutions sommaires ciblées, arrestations arbitraires, destruction des moyens de subsistance des nomades, populations déplacées, ONG interdites, radios et presse muselées sont le lot quotidien des habitants de la région.

Depuis 40 ans, la société française Areva, leader mondial du nucléaire civil, tire du Niger près de 40 % de sa production d’uranium. Elle prévoit de doubler sa production dans la région d’Agadez et elle vient d’obtenir l’autorisation d’exploiter le site géant d’Imouraren, qui placera le Niger au deuxième rang de la production mondiale. Le 16 mai, Areva a organisé, à Agadez, une « audience publique et un atelier de validation de l’étude d’impact environnemental » de son nouveau projet minier. Cette « audience » n’est qu’un écran de fumée, Areva profitant de la situation créée par l’état d’exception. Qui, en effet, osera, dans un tel contexte, venir exprimer son désaccord avec le projet du géant nucléaire, qui agit avec la bénédiction du pouvoir central nigérien ?

Des manœuvres sournoises ont permis de limiter la participation de certaines structures aux audiences. Le comité ad hoc, pourtant missionné en 2006 par le ministère nigérien de l’Hydraulique et de l’Environnement, a été mis à l’écart, en avril, par un arrêté ministériel. Cela est certainement le résultat d’arrangements avec le géant nucléaire français. Le volumineux rapport provisoire sur l’étude d’impact environnemental du projet Areva a été rendu inaccessible à la majorité des participants à cet atelier et le temps imparti pour sa consultation a été sciemment réduit.

Il n’y a eu aucune contre-expertise scientifique indépendante permettant aux participants d’opérer un choix ou d’émettre des avis sur un projet aussi énorme. Pourtant, des milliers d’éleveurs, maraîchers, artisans et acteurs économiques sont directement menacés par la future mine d’Areva, dont l’exploitation doit commencer en janvier 2009.

En 2007, Areva a perdu son monopole d’extraction et l’État nigérien a reçu des demandes d’autorisation de sociétés nord-américaines, australiennes, asiatiques et sud-africaines. Des entreprises chinoises menacent également l’existence, le bien-être et l’environnement des populations de la région, majoritairement touarègues. La société Sino-Uranium a obtenu un permis d’exploitation pour le gisement d’Azelik, à 150 kilomètres à l’ouest d’Agadez. Les habitants de la zone ont été sommés d’évacuer les 2500 kilomètres carrés concédés à Sino-Uranium. La société Niger Uranium Limited, qui a démarré la prospection à Ingal et Ighazer, a interdit aux éleveurs l’utilisation de puits pastoraux. En tout, 139 permis de recherche et d’exploitation ont été vendus, en moins d’un an, sans aucune consultation des populations et des élus locaux. Les concessions minières, déjà accordées ou en cours de négociation, s’étendent sur près de 90 000 kilomètres carrés. C’est tout un peuple, chassé de ses terres, privé de ses activités traditionnelles, de ses ressources en eau, qui est menacé de disparaître face aux enjeux géostratégiques et économiques mondiaux.

Conscient de la catastrophe annoncée, le collectif Areva ne fera pas la loi au Niger, mène une campagne visant à mettre la société Areva, la France, l’Union européenne et la communauté internationale face à leurs responsabilités. Il dénonce les conséquences désastreuses de nos choix énergétiques et soutient ceux qui en paient le prix là-bas. Nous appelons les gouvernements et instances internationales à faire pression sur les autorités nigériennes, afin qu’elles respectent les normes relatives aux droits de l’Homme, en particulier les droits humains non dérogeables.

Nous appelons le gouvernement français, le gouvernement nigérien, l’Union européenne et les instances internationales à reconnaître l’urgence de la crise humanitaire liée aux exploitations minières et à porter secours aux populations victimes du conflit (déplacés, réfugiés, détenus). Il faut appliquer la réglementation internationale en matière de radioprotection et dépolluer les sites déjà exploités. Après 40 ans d’extraction minière, un moratoire de trois ans ou cinq ans renouvelable est indispensable, avant tout nouveau projet minier.

Pour les nouveaux permis, il faut s’assurer, par des contraintes a priori, que ne se renouvelleront pas les confusions actuelles et que des taxes parafiscales, comme il en existe en France, seront prélevées et confiées à une gestion spécialisée et indépendante pour la remise en état des sites après extraction et pour une gestion saine, équitable et concertée des ressources en eau. Chaque Français est concerné, plus de 30 % de notre électricité est produite grâce à l’uranium nigérien, nous devons savoir qui en paie le prix et réagir.

Depuis mars 2008, le collectif organise différents événements. Ainsi, pour dénoncer le simulacre d’étude d’impact du projet Imouraren, nous avons mené une action devant le siège d’Areva à Paris. Une exposition, illustrée et pédagogique, sera présentée lors de diverses universités d’été, puis exposée en province, particulièrement dans des régions ayant subi l’exploitation de l’uranium et en payant encore les conséquences. Nous serons également au rendez-vous du 12 juillet, à l’occasion du rassemblement européen pour un monde sans nucléaire. ■

Anne Roussel

1. http://areva.niger.free.fr

2. collectif-tchinaghen.over-blog.com

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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 08:44

Pour figurer dans le nouveau fichier Edvige, il suffira d’être simplement suspecté de trouble à l’ordre public… Magistrate, Evelyne Sire-Marin est membre de la Fondation Copernic.

Un décret du 27 juin 2008 a soulevé l’indignation de la Ligue des droits de l’Homme, du Syndicat de la magistrature, du Syndicat d’éducateurs SNPES-PJJ (FSU), de la LCR, du PCF et du PS, car il autorise désormais le fichage, sous le doux nom de fichier Edvige1, de toute personne « ayant sollicité ou exercé un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ». En clair, tous les citoyens qui se sont un jour investis dans la vie publique. On est vraiment dans le film La Vie des autres, puisqu’il s’agit de centraliser dans un fichier policier les opinions politiques ou syndicales de tout un chacun.

Il est également prévu de ficher toute personne de plus de 13 ans et tout groupe ou organisation dont l’activité est « susceptible de porter atteinte à l’ordre public », de permettre aux services de police « d’effectuer des enquêtes administratives pour l’accès à certains emplois ou à certaines missions ». Les mineurs considérés comme menaçants par la police figureront donc dans Edvige, ainsi que toute personne qui voudra passer un concours administratif ou avoir un emploi dans le domaine de la sécurité.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a elle-même émis des réserves sur le très large accès à ce fichier, puisque tous les policiers et gendarmes de France pourront consulter les informations relatives aux fréquentations, aux comportements, aux déplacements, aux opinions, au patrimoine, au véhicule, avec « photographie et signes physiques particuliers » de l’intéressé. C’est donc peu dire que ce nouveau fichier est gravement attentatoire aux libertés fondamentales, puisqu’il instaure une présomption de culpabilité avec fichage illimité pour toute personne engagée dans la vie publique et, pour certains mineurs, soupçonnés d’appartenir à des « bandes ».

Tous fichés

Le prétexte à ce fichage massif est l’affrontement de deux bandes rivales dans le 19e arrondissement de Paris, le 21 juin, laissant un blessé grave sur le trottoir, victime en outre d’insultes antisémites. La garde des Sceaux, Rachida Dati, avait immédiatement annoncé qu’elle allait créer un fichier des « bandes ». Et elle en profite pour l’étendre aux bandes… de militants politiques ou syndicaux. Pour Nicolas Sarkozy, chaque fait-divers a été l’occasion de faire voter un nouveau texte répressif, dont l’objectif est toujours le même : stigmatiser comme délinquante une partie de la population considérée comme inintégrable, inemployable et dangereuse – les jeunes des banlieues, les SDF, les prostituées, les malades mentaux, les étrangers sans papiers et, maintenant, les citoyens engagés. Comme d’habitude, on claironne une nouvelle mesure répressive, alors que la police et la justice sont déjà parfaitement armées, et même bien trop, sur le plan du fichage. Ainsi, seize lois sécuritaires ont été votées depuis 2002, afin de donner toujours plus de pouvoirs à la police.

De très nombreux fichiers policiers ont été créés, dont le Stic2, qui contient 7,5 millions de fiches de « mis en cause », conservées pendant vingt ans, et le Fnaeg3, qui n’est absolument pas un fichier spécialisé pour les délinquants sexuels, puisqu’y figurent pendant 25 ans les personnes interpellées pour vols, recel, dégradations et violences volontaires, outrages et rébellion. Le Fnaeg vaut à de nombreux militants le recueil de leurs empreintes ADN, sous peine d’être condamnés à un an d’emprisonnement. Le point commun de tous ces fichiers de police est de contenir des fiches de mineurs et de personnes simplement soupçonnés par la police, dont beaucoup n’ont jamais été condamnés.

Ainsi, s’agissant des bandes, il existait déjà, avant l’annonce de la création d’un fichier spécial, la possibilité de retrouver les mineurs ou les majeurs membres de groupes violents avec le Stic, le Fnaeg… et le Canonge, fichier policier légalisé par la loi du 12 décembre 2005. Il permet à tout service de police judiciaire de classer par caractéristique les personnes interpellées les années précédentes ; par un simple clic d’ordinateur, la police peut retrouver une personne déjà connue, correspondant à un critère précis. Par exemple, si une victime a remarqué que son agresseur portait des lunettes, ou avait une tache sur le visage, ou telle couleur de peau, la police fait défiler sur l’écran des dizaines de photographies comportant ce signe particulier, avec une légende concernant les antécédents de la personne.

Sécurité sans principes

Évidemment, comme tous les autres critères, le critère d’appartenance à une « bande » peut, lui aussi, entrer dans le fichier Canonge et être sélectionné en cas de bagarre pour rechercher les auteurs. Si tant est, d’ailleurs, que ce critère ait un sens, alors qu’un adolescent peut très bien fréquenter des copains de son quartier sans pour autant être membre d’une bande organisée !

C’est ainsi que des principes tels que la présomption d’innocence, le droit à la protection de ses données personnelles, le droit à la sûreté4 sont déjà fortement mis à mal par l’existence d’innombrables fichiers de police – près de 33 – au nom de la « sécurité ». Pourquoi donc créer le fichier Edvige, si ce n’est pour permettre à la garde des Sceaux de réoccuper l’espace médiatique qu’elle a perdu, en faisant d’une pierre deux coups : le fichage des mineurs des cités et celui des militants ?

L’utilisation politique de la sécurité et de l’idéologie victimaire est un ressort constant de ce gouvernement, dès qu’il s’agit de masquer le tragique échec des promesses présidentielles en matière de chômage et de pouvoir d’achat. Depuis six ans, le populisme pénal permet à l’UMP de remplacer l’antagonisme dominants/dominés, par le clivage coupables/victimes. Même les grèves donnent lieu à cette analyse, les usagers étant les otages victimes et les grévistes étant les coupables.

Chacun est ainsi renvoyé à sa faute et à sa responsabilité individuelle, qu’il s’agisse de problèmes de délinquance, de santé publique, d’éducation, d’immigration ou d’emploi. Le véritable objet des lois sécuritaires est bien là ; il ne s’agit pas de lutter réellement contre la délinquance. Le bénéfice idéologique recherché est bien de masquer les réelles inégalités économiques et sociales de ce pays, la police étant utilisée comme le bras armé de la substitution de l’État pénal à l’État social. ■

• Ces analyses sont développées dans un livre collectif à paraître chez Syllepse en septembre 2008, L’Indigent et le Délinquant, punir les pauvres.

Evelyne Sire-Marin

Notes

1. Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale.

2. Système de traitement des infractions constatées ; il est consulté 30 000 fois par jour.

3. Fichier national automatisé des empreintes génétiques ; il contient déjà 500 000 ADN.

4. La déclaration des droits de l’Homme de 1789 n’a jamais proclamé le droit à la sécurité, mais le droit à la sûreté, c’est-à-dire le droit de ne pas subir l’arbitraire de l’État, ce qui est bien différent.

 

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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 08:34

 La 34e réunion des chefs d’État des pays les plus puissants de la planète s’est tenue au Japon, du 7 au 9 juillet. Objectif : s’entendre pour résoudre, sur le dos du plus grand nombre, les crises financière, énergétique, alimentaire et écologique auxquelles le libéralisme est aujourd’hui confronté.

 

 

Une fois encore, le sommet du G8 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) s’est déroulé dans un espace barricadé, à Toyako, une petite ville d’à peine 10 000 habitants, sur l’île de Hokkaïdo, au nord du Japon. Les opposants au sommet ont été, eux, confinés à Sapporo, à 150 kilomètres de là.

En conclusion du dernier G8, qui s’était tenu l’année dernière en Allemagne, la chancelière allemande, Angela Merkel, se réjouissait « de la bonne santé » de l’économie mondiale. Un an plus tard, crise financière, crise alimentaire, crise énergétique, crise écologique forment une addition que le libéralisme forcené fait payer aux salariés, aux petits paysans, aux exclus, aux plus démunis, alors que les multinationales font des profits gigantesques, notamment au travers d’une spéculation éhontée sur le pétrole et les denrées alimentaires.

L’ampleur mondiale de la crise alimentaire n’est pas due à des causes naturelles (sécheresse, inondations, épidémies). Elle est le produit des politiques menées par les grandes puissances impérialistes, par les multinationales de l’agroalimentaire, de l’énergie, de la finance. Selon la Banque mondiale, l’augmentation des denrées alimentaires, ajoutée à celles du pétrole et des autres matières premières, va entraîner une ponction de 3 % à 10 % des économies annuelles des 41 pays les plus pauvres, rejetant des millions de personnes dans une extrême pauvreté et dans la famine. Ce qui explique que plus de 30 pays aient connu des émeutes de la faim.

Hors de tout contrôle

Les participants à ce G8 versent des larmes de crocodile et font des promesses, à l’instar d’Angela Merkel, qui annonce l’adoption « d’un vaste catalogue de mesures pour garantir l’alimentation mondiale », mesures prévoyant de « soulager à court terme la crise alimentaire et une stratégie à long terme pour augmenter la production mondiale ». Sauf que les promesses faites lors des G8 ne sont jamais honorées. Ainsi, en 2005, les membres du G8 s’étaient engagés à faire passer l’aide annuelle à l’Afrique de 25 milliards de dollars, en 2004, à 50 milliards, en 2010. Or, alors que le montant de cette aide est déjà dérisoire, à ce jour, moins d’un quart des 25 milliards supplémentaires a été débloqué. Pire, à l’issue du sommet, un groupe de travail devrait être mis en place pour envisager la levée des restrictions aux exportations, qui empêchent les pays riches de vendre les stocks de leurs excédents alimentaires aux pays du Sud… Autrement dit, lever les derniers obstacles à la libre concurrence et jeter sur la paille les petits paysans des pays du Sud.

Sur le plan écologique, on ne peut pas plus faire confiance au G8, lorsqu’il feint de s’inquiéter du réchauffement climatique. D’abord, parce que les pays du G8 font partie des treize plus importants émetteurs de CO2, les États-Unis arrivant très largement en tête. Ensuite, parce qu’ils n’envisagent manifestement aucune mesure concrète un tant soit peu contraignante.

Contrairement à ce qu’une certaine presse prétend aujourd’hui, la contestation de la légitimité des grands de ce monde à décider du sort des peuples ne cesse de se développer. Si la mobilisation est numériquement moindre que lors d’autres G8, c’est pour l’essentiel à cause de l’éloignement géographique, du coût des déplacements, de l’ampleur de la mobilisation policière. Organisées par une coalition regroupant des ONG, des mouvements sociaux et des réseaux internationaux, plusieurs initiatives ont eu lieu (manifestations, actions thématiques, sommet alternatif). En revanche, les syndicats, au nom de leur indépendance, sont totalement absents. Les mouvements présents ont inscrit leur action dans la continuité des mobilisations précédentes, qui contestent la légitimité de ces sommets.

Pas question d’adresser des demandes ou des revendications au G8, ce qui serait à la fois vain, car les promesses du G8 ne sont jamais tenues, et reviendrait de fait à légitimer son existence. La question n’est pas, comme le propose Sarkozy, rejoint par Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin, d’élargir le G8 à quelques autres pays, par exemple à ce qu’on appelle le G5 (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Mexique). Mais de mettre en cause l’existence même de ces sommets, où quelques chefs d’État, hors de tout contrôle, prennent des décisions aux conséquences planétaires. ■

Léonce Aguirre

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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 08:31

 

 

 
 
Le 13 juillet, s’ouvre à Paris le sommet constitutif de l’Union pour la Méditerranée. Cette réunion des 27 États membres de l’Union européenne (UE), plus la Commission européenne, avec les dix pays partenaires méditerranéens, est un événement politique majeur. Il est présenté par Sarkozy comme étant l’un des axes centraux de sa politique étrangère, à l’heure même où la France prend la présidence de l’Union européenne.

L’Union pour la Méditerranée se place dans la continuité directe du processus de Barcelone, initié en 1995, avec comme objectif principal la réactivation du partenariat euroméditerranéen. Pour cela, la création d’une zone de libre-échange allant de la Turquie au Maroc, en passant par Israël, doit aider à définir la zone de libre-échange euro-méditerranéenne.

Faire progressivement converger les deux rives de la Méditerranée autour d’institutions homogènes garantissant l’économie de marché, la libre circulation des capitaux et « la concurrence libre et non faussée » devient donc le plan structurant de ce projet néocolonialiste, de contrôle des pays du Sud et d’augmentation des débouchés économiques pour les multinationales européennes.

Au-delà d’un projet politique porté par les gouvernements occidentaux, c’est un véritable cadeau qui est fait aux patrons, du Nord comme du Sud. Ces derniers ne se privent donc pas de donner leur avis sur ce nouveau pas en avant de la mondialisation capitaliste. En témoignent les Med Business Days, qui se sont tenus les 3 et 4 juillet à Marseille, provoquant le déploiement d’une impressionnante armada policière en plein cœur du centre-ville. Plusieurs centaines de patrons du pourtour méditerranéen, ainsi que de nombreux ministres, se sont retrouvés autour de la présidente du Medef, Laurence Parisot, Ernest-Antoine Seillière, le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, etc. Ils entendaient dessiner ensemble le tracé futur de l’Union pour la Méditerranée. À en croire Laurence Parisot, « l’entreprise est le moteur de la Méditerranée ».

Pour les puissances du nord de la Méditerranée, il s’agit d’accéder librement aux marchés du Sud au prix d’un nouveau démantèlement de ces économies. Privatisations, délocalisations, pillage des richesses, etc., sont les ingrédients bien connus de cette recette patronale. Pour les dictateurs du sud de la Méditerranée, il s’agit de garantir l’impunité de leurs régimes, gangrenés par la corruption, et l’écrasement de toute opposition politique ou sociale. Le développement de cette politique économique va entraîner plus de misère, et les luttes actuelles qui se développent dans les pays concernés ne peuvent que se poursuivre et se durcir. Le maintien de régimes dictatoriaux est donc parfaitement intégré à la pensée des dirigeants occidentaux (il suffit de souligner l’invitation faite par Sarkozy au dictateur Ben Ali pour le défilé du 14 Juillet).

Mais l’Union pour la Méditerranée, c’est aussi et bien sûr le durcissement des politiques anti-immigrés, à l’heure où « la directive de la honte » a été votée et où Sarkozy et Hortefeux ont choisi d’en faire une de leurs priorités, durant la présidence française de l’Union européenne. La libre circulation, c’est bon pour les capitaux et les patrons, pas pour les populations, notamment les plus pauvres !

La création d’une zone de libre-échange allant du Maroc à la Turquie ne peut passer que par la « stabilisation » de cette région. De là, on peut comprendre aisément les choix de Sarkozy en matière de politique étrangère, marquée par une réaffirmation sans précédent de l’appartenance à l’Occident, reprenant le discours idéologique de lutte antiterroriste, de lutte des civilisations. Cela se traduit concrètement par un alignement sur les États-Unis. Ainsi, la priorité est donnée à la sécurité d’Israël, pays frère, pays capitaliste avancé et dominant, « démocratique », en lutte contre le « terrorisme ». L’impérialisme israélien est donc une pierre centrale de l’édifice de la domination occidentale au Moyen-Orient. Dans la même logique, les menaces incessantes contre l’Iran laissent présager un avenir sombre pour les peuples du sud de la Méditerranée, dans lequel la France va prendre toute sa place de puissance impérialiste. La réintégration de la France au sein du haut-commandement de l’Otan et la réforme des armées ne font que valider cette thèse.

Face à cette construction d’une Méditerranée du business et de la guerre, nous opposons une Méditerranée des peuples et de la solidarité. De la même manière, nous voulons une Europe des peuples et de la solidarité. Le « non » irlandais au traité de Lisbonne, après celui des peuples français et néerlandais, en 2005, les luttes grandissantes au Maroc et en Tunisie nous montrent la voie. Des deux côtés de la Méditerranée, la résistance est bien là.

Nous devons développer les liens avec l’ensemble des secteurs en résistance, groupes politiques anticapitalistes et antilibéraux des deux rives, comme axe central de la construction du nouveau parti anticapitaliste. Un parti internationaliste de plusieurs dizaines de milliers de militants (notre objectif est bien là!) ne pourra être qu’un point d’appui aux luttes dans d’autres pays. Notre combat ne connaît pas de frontière géographique. ■

Cédric Bottero

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