En annonçant la possibilité de négocier largement le temps de travail dans les entreprises, Xavier Bertrand a suscité la
protestation généralisée des confédérations qui dénoncent une "provocation" et appellent de leur voeux une "riposte" commune.
Si tous les syndicats sont sur la même ligne pour défendre les 35 heures, cette annonce a toutefois semé la zizanie entre les confédérations puisque que le
gouvernement s’est appuyé dans sa démarche sur un article de la "position commune" portant sur la représentativité, signée en avril par le CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME.
Résultat, la CFTC a annoncé jeudi qu’elle ne se rendrait pas à l’intersyndicale prévue le soir même, dénonçant une "mascarade" et exigeant de la CFDT et de
la CGT qu’elles retirent leurs signatures. Le secrétaire général de FO Jean-Claude Mailly a fait la même demande, sans pour autant annoncer un boycott de la réunion.
Cette dernière s’est achevée sur un appel de la CGT et de la CFDT à une journée nationale de mobilisation, le 17 juin prochain, pour la défense des
retraites et contre le projet du gouvernement sur le temps de travail. La CGC et FO ont indiqué pour leur part qu’elles consulteraient leurs instances "dans les prochains jours" avant de donner
une réponse. Jean-Louis Malys (CFDT) a tenu à préciser que "ces mouvements ne gêneront pas les personnes qui seront en examen à l’Education nationale", en référence notamment au
baccalauréat.
Le gouvernement a déclenché la colère des syndicats en présentant mercredi un avant-projet de loi sur la démocratie sociale qui permet de renégocier le
temps de travail au sein des entreprises au-delà de la simple question des heures supplémentaires.
Le gouvernement s’est appuyé dans sa démarche sur un article de la position commune négociée en avril entre les partenaires sociaux, portant sur la
représentativité et le temps de travail, mais permettant de négocier uniquement "à titre expérimental" sur les heures supplémentaires. Or, l’avant-projet de loi permettra également de négocier
dans les entreprises l’aménagement du temps de travail sur tout ou partie de l’année, notamment les forfaits en jours ou en heures.
"Notre logique est de dire : ’Les 35 heures conviennent dans certaines entreprises ? Vous pouvez y rester. Les 35 heures vous bloquent dans
d’autres ? Vous pourrez aller plus loin avec des règles négociées", a expliqué le ministre du Travail Xavier Bertrand lors d’un petit déjeuner de presse, jeudi à Paris.
Quant à la colère des syndicats, M. Bertrand a rétorqué que le gouvernement "est dans la cohérence de ce (qu’il) a dit il y a plus d’un
an".
"Il y a eu une saisine du Premier ministre en décembre à laquelle les partenaires sociaux n’ont pas souhaité répondre concernant cette question du temps de
travail car il n’y a pas de consensus entre eux. Pour notre part, nous avions indiqué clairement que sur le temps de travail, nous irions plus loin", a précisé le ministre. Pour lui, "il y a le
temps de la démocratie sociale mais aussi le temps de la responsabilité politique".
Le secrétaire général de la CFDT François Chérèque parle de son côté d’un "affront ou un défi, en tout cas une provocation". "Le gouvernement choisit de
s’affronter à la CFDT et la CGT, qui plus est sur un sujet identitaire pour la CFDT, celui du temps de travail. Il organise la fin des 35 heures dans la réalité", estime-t-il dans un entretien
publié dans "Le Monde".
En conséquence, "le gouvernement nous amène à réagir simultanément sur le temps de travail et les retraites. Cela nous entraîne dans une mobilisation
globalisante, ce contre quoi j’ai toujours résisté, y compris dans la CFDT".
"Sur la représentativité syndicale", le gouvernement "reprend la position commune que nous avons négociée et cosignée avec la CFDT. Et à côté, le
gouvernement glisse un autre texte, qui consiste à balayer toute la législation sur le temps de travail en laissant chaque entreprise s’organiser à sa guise", déplore également le secrétaire
général de la CGT Bernard Thibault dans un entretien dans "Libération" de jeudi.
Le leader syndical dénonce une "méthode malhonnête" et un projet au "contenu inacceptable". "Ce ne sont pas seulement des droits sociaux qui sont mis en
cause : cela change aussi les rapports des entreprises entre elles", car selon lui "nous risquons d’être confrontés à une escalade dans le moins-disant social".
"Le gouvernement finit de tout détricoter. On va faire exploser les repos compensateurs. Je me demande bien où en sont les préoccupations sur la santé, le
stress des salariés", a déclaré jeudi à l’Associated Press le porte-parole de la CGC chargé du temps de travail Alain Lecanu. "Sur le social, le gouvernement fait tout en même temps et dans
l’urgence, à tel point qu’on se demande où est la cohérence. Sur cette dernière mesure, il dit et fait n’importe quoi", a-t-il déploré.
"Les choses vont s’éclaircir dans les négociations qui auront lieu entre le ministre du Travail Xavier Bertrand et les organisations syndicales", a
relativisé la ministre de l’Economie Christine Lagarde jeudi sur France-Inter. "C’est un processus qui commence". Questionnée sur le tollé chez les syndicats, Mme Lagarde a répondu :
"Tant mieux, ça fera un bon début de négociations".
AP | 29.05.2008 | 20:49.