Face à la hausse des prix, « positivons » les salaires, imposons l’échelle mobile
Vue sur le site http://www.npa-debatrevolutionnaire.org/
Samedi 9 avril, les salariés de Carrefour étaient en grève dans tout le pays. Magasins ou parking bloqués par des barrages de chariots, caisses fermées, réception de marchandises paralysée… Huit salariés sur dix présents en magasin ont fait grève et une trentaine d’hypermarchés ont dû fermer leur porte.
La colère est profonde face à la provocation de la direction qui propose une « augmentation » de 1 % en mars et 1 % en octobre tout en annonçant des bénéfices en hausse de 11 % en 2010. A cela s’ajoute un projet de découpage du groupe qui va rapporter un véritable pactole aux actionnaires, dont Bernard Arnault et Colony Capital, un fonds de pension. « Six milliards d'euros pour les actionnaires et dix euros pour les caissières, voilà notre slogan » résumait une gréviste.
A Onnaing dans le Nord, les ouvriers de Toyota sont en grève pour le 13ème mois et une prime de 1 600 €, qui augmente de 100 € par jour de grève. Organisés en comité de grève, ils s’adressent à la population en dénonçant les 10 milliards de profits de Toyota et la flambée des prix actuelle où « Tout augmente… sauf les salaires » !
Un peu partout dans le pays, les conflits sur les salaires se multiplient : Eiffage, où les salariés ont stoppé le chantier du Grand Stade à Lille, Thales, Alcatel-Lucent, JCDecaux, Mondadori, Faurecia, Intermarché... pour s’opposer à la hausse des prix qui frappe les travailleurs de plein fouet.
Ainsi, le prix du carburant bat record sur record. La semaine dernière, le litre d’essence atteignait 1,53 € en moyenne… et ce n’est pas fini vu l’annonce du PDG de Total qui juge « inéluctable » le super à 2 € ! Dès le lendemain des élections cantonales, l’Etat a entériné la demande d’augmentation du prix du gaz présentée par GDF Suez : + 5,2 % à partir du 1er avril. En un an, le gaz aura augmenté de 21 % et en 5 ans, depuis la mise en bourse de GDF, de 61 % !
En plus de l’énergie, des mutuelles (+10 %), des assurances (+5 %), ce sont maintenant les prix des produits de première nécessité qui flambent, suite aux spéculations sur les céréales et à la politique de la grande distribution qui fait de larges marges sur le dos des consommateurs. Le beurre devrait augmenter de 4 à 8 %, les pâtes de 5 à 10 %, le café de 10 à 20 %, la farine de 15 à 20 %.
Face au mécontentement, le gouvernement vient d’annoncer… « un panier à 20 € » pour nourrir une famille de 4 personnes pendant 3 jours ! Avec Carrefour, Leclerc, Lefebvre fait l’aumône aux pauvres, généralisant les restos du cœur à l’ensemble du pays, avec au passage une belle publicité à ces grandes surfaces qui craignent qu’une grande partie de leur clientèle se retourne vers les enseignes de discount.
Pour tenter de reprendre la main, Sarkozy a même montré du doigt les entreprises du CAC 40, promettant un dispositif pour les « amener » à augmenter les salaires quand elles augmentent la part de dividendes. Devant la levée de bouclier du patronat, relayée par Lagarde déclarant : « On n’est pas le Gosplan ! », ce fameux dispositif deviendrait, selon Baroin, une série de cadeaux fiscaux ou d’exonérations pour inciter les patrons à donner une prime de 1000 €… Mais une prime exceptionnelle financée par un manque à gagner d’argent public, c’est encore trop pour Parisot qui vient de déclarer : "Je ne sais que dire tellement ces propos sont incompréhensibles" !
L’affaire tourne à la farce. Le populisme de Sarkozy, le « président du pouvoir d’achat » devient une comédie ridicule alors que sa politique ne vise qu'à aider les classes dominantes à maintenir coûte que coûte, et même augmenter, leurs profits.
Salaires à reculons, prix en hausse, une politique pour maintenir les profits
Contrairement à ce que Parisot fait semblant de croire, l’Etat n’est pas neutre dans ces négociations salariales, il intervient largement pour défendre les intérêts des actionnaires et des patrons. En gelant les salaires des fonctionnaires cette année, en refusant pour la 5ème année consécutive tout coup de pouce au SMIC, le gouvernement a encouragé l’ensemble du patronat à faire de même. Dans les différentes négociations annuelles sur les salaires qui ont lieu dans le privé, les patrons ont tous la même politique de blocage des salaires ou d’augmentations insignifiantes. Au nom de la crise, c’est aux salariés à payer la hausse des prix alors que les profits sont au beau fixe. Tous veulent faire payer la facture au monde du travail alors qu'une des raisons principales de la crise est justement la course à la rentabilité financière au détriment des salariés.
Les profits des entreprises du CAC 40, en hausse de 85 % avec 83 milliards pour 2010, sont révélateurs de cette offensive contre les salaires. Total a dégagé plus de 10 milliards d’euros de profits (sans payer d’impôts sur les bénéfices !) ; BNP Paribas 7,8 milliards ; Sanofi-Aventis 5,5 milliards. Les banques et les assurances font un bénéfice cumulé de 18 milliards contre moins de 10 milliards en 2009. La seule Société générale a vu ses profits augmenter de 478 % pour atteindre 3,9 milliards d’euros. Les groupes industriels battent aussi des records : + 1953 % pour Arcelor Mittal ; + 909 % pour Michelin ; + 459 % pour Saint-Gobain ; + 101 % pour Schneider Electric.
Face à cette situation révoltante, des luttes éclatent dans une série d’entreprises pour exiger des augmentations de salaires. La question de leur convergence est à l’ordre du jour, d’autant qu’en face l’ensemble du patronat et du gouvernement ont une politique commune pour faire payer leur crise aux salariés du privé comme du public.
La lutte pour les salaires, une lutte politique
La lutte pour les salaires pose le problème d’inverser le rapport de force. Le monde du travail ne pourra faire céder significativement le patronat entreprise par entreprise, même si chacun de ces combats est essentiel pour entraîner les autres dans la lutte. Pour créer les conditions d’une telle convergence, il faut commencer par légitimer sur le terrain politique les exigences du monde du travail, mener la bataille pour les augmentations de salaires et l’échelle mobile.
Le PS vient de présenter son projet de programme pour 2012, avec la bénédiction de Rocard pour qui « ce projet paraît d’intention raisonnable et a un souci de faisabilité »… C’est tout dire. Parmi les mesures envisagées, il met en avant la limitation des hauts salaires dans les entreprises où l’Etat est actionnaire… sans rien préciser sur la façon d’appliquer une telle mesure. Mais par contre, silence total sur l’augmentation des salaires des ouvriers ! Le PS se contente de s’engager à organiser une conférence salariale annuelle et à « revaloriser le pouvoir d'achat du smic », en se gardant bien de chiffrer quoi que ce soit.
Tellement dominé par le système, le PS laisse ainsi le terrain au FN sur la question sociale. Celui-ci a mis dans son programme, par pure démagogie, le rétablissement de « l’échelle mobile des salaires », autrement dit l'indexation des salaires sur l'augmentation des prix. Pas plus que Sarkozy n'était le candidat du pouvoir d'achat, le FN n'est le parti de la défense des salaires. Sa démagogie est le masque de sa politique anti-ouvrière, cherchant avant tout à dresser les travailleurs les uns contre les autres pour le plus grand profit des plus riches.
La question sociale est bien la question politique essentielle, mais ce n'est pas par le bulletin de vote que cette question se réglera mais bien par un mouvement d'ensemble, la mobilisation de toute la classe ouvrière. Face aux augmentations de prix et au retard cumulé pris par les salaires depuis des années, il y a urgence. Il faut de suite 300 € pour tous d’augmentations et pas de revenu inférieur à 1 600 € net.
Il ne s’agit pas d’une recette pour sortir le capitalisme de la crise, mais d’être à l’offensive, de contester la politique des classes dominantes sur le terrain de la lutte de classes. Il faut mener une bataille politique pour répondre aux chantages exercés par les patrons, aux pressions qui pèsent sur le monde du travail. Cette part des salaires que les classes dominantes volent aux salariés ne sert aujourd’hui qu’à alimenter la spéculation financière comme en témoignent les chiffres du CAC 40. Si les travailleurs ne récupèrent pas leur dû, il partira en fumée dans le prochain krach boursier.
Mais il ne suffit pas d’arracher une augmentation importante à la bourgeoisie, celle-ci serait engloutie rapidement par l’augmentation des prix. Il faut mettre la question de l’échelle mobile des salaires à l’ordre du jour. Non comme un slogan démagogique, une diversion, mais bien comme un objectif pour le monde du travail.
Les salaires doivent être indexés sur les hausses de prix réelles, contrôlées par les associations de consommateurs, les syndicats, par les travailleurs eux-mêmes organisés démocratiquement dans des comités, et pas sur les indices officiels largement minorés. A titre d’exemple, l’INSEE vient d’annoncer fin mars que le pouvoir d’achat aurait augmenté en France de 1,2 % en 2010 après + 1,6 % en 2009... Bien loin des comptes des familles populaires !
La question des salaires est une véritable bataille politique, qu’il nous faut mener dans les entreprises, au sein des syndicats, avec les travailleurs pour donner confiance, pour exiger notre dû. De même, la solidarité des équipes militantes, de ceux qui ce sont battus contre la réforme des retraites à l’automne, doit se manifester sur chaque grève, car chaque victoire arrachée, même partielle, est un encouragement pour les autres. L’évolution de la crise impose de formuler une politique pour passer à l’offensive, rompant avec le « dialogue social » et affirmant toute la légitimité de la lutte.
La seule réponse aux démagogues de droite et d'extrême droite est une offensive politique de la classe des travailleurs.
Laurent Delage